 350 gendarmes aguerris (un gendarme aguerri, ce n'est pas rien.
Autant le gendarme standard normal peut s'avérer amène et bienveillant,
responsable du maintien de l'ordre sourcilleux mais sans acrimonie, plutôt
bonhomme, au contact et au service de la population, premier rempart
indispensable et apaisant contre les incivilités et autres querelles de
voisinage, peut rassurer, rasséréner et inspirer la confiance, autant le
spécialiste des cas difficiles, hyper-entraîné rompu à toutes les techniques de
combat, suréquipé, surarmé, caparaçonné dans son gilet pare-balles (tu ne
m'auras pas sur ce coup-là, il a comme une carapace, c'est vrai, mais en
réalité c'est un caparaçon), impressionne et suscite un respect mêlé d'un peu
de crainte, et ce même si on n'a, fort de son bon droit, rien à se reprocher.
C'est un homme de métier, un professionnel, il n'est pas formé pour être
gentil, il l'est pour être efficace. Ça ne me gêne pas vraiment que le
gendarme inspire ce type de sentiment, on dit d'ailleurs communément que la
crainte est le début de la sagesse, vieil adage mais peut-être plus vraiment
adapté à notre société moderne et un peu (?) déliquescente, 7 hélicoptères
survolant en continu un périmètre relativement délimité, un nombre non
déterminé mais impressionnant de véhicules blindés plus ou moins « tout-
terrain», du matériel de détection sophistiqué avec caméras infra-rouge et
appareillage de vision nocturne, des drones en veux tu en voilà, sans
compter les brigades cynophiles, et les négociateurs psychologues au cas
où, et tout ce que je ne sais pas. Ça fait quand même beaucoup de monde,
personne ne pourra penser ni dire qu'on n'y a pas mis les moyens (le budget
que ça représente, je n'ose même pas y penser). Les routes barrées, les
autochtones claquemurés, les commerces bouclés, les écoles fermées, le
dispositif était impressionnant. Même le préfet en grand uniforme (surtout
avec la casquette qui va bien, nimbée de feuilles de laurier dorées, c'est
quand même beaucoup mieux que celle de chef de gare, qui déjà, en jette
[en argot de cheminot, c'est « le fromage blanc »], ça donne beaucoup de
prestance je trouve) s'en est mêlé (c'est son boulot tout compte fait, on ne
peut pas lui reprocher), assisté d'un état-major assurant la coordination
indispensable : le dispositif, la répartition des positions, la relève (si ça dure
un peu, il faut le prévoir), la bouffe, la recherche raisonnée du fugitif, bref de
quoi s'occuper et de ne pas voir passer le temps. Et là dessus la nuées des
voyeurs en tout genre, journalistes et reporters caméramen, bourdonnant
comme des mouches autour d'un pot de miel (tu peux préférer les abeilles,
c'est plus bucolique et plus bio, mais la vérité et la simple observation
m'obligent à dire que j'ai vu plus souvent des mouches que des abeilles sur
les pots de miel, et qu'il y des choses qui les attirent encore plus que le miel,
notamment les grosses vert-bleu avec des reflets métalliques, mais on n'est
pas là pour un cours d'entomologie).
350 gendarmes aguerris (un gendarme aguerri, ce n'est pas rien.
Autant le gendarme standard normal peut s'avérer amène et bienveillant,
responsable du maintien de l'ordre sourcilleux mais sans acrimonie, plutôt
bonhomme, au contact et au service de la population, premier rempart
indispensable et apaisant contre les incivilités et autres querelles de
voisinage, peut rassurer, rasséréner et inspirer la confiance, autant le
spécialiste des cas difficiles, hyper-entraîné rompu à toutes les techniques de
combat, suréquipé, surarmé, caparaçonné dans son gilet pare-balles (tu ne
m'auras pas sur ce coup-là, il a comme une carapace, c'est vrai, mais en
réalité c'est un caparaçon), impressionne et suscite un respect mêlé d'un peu
de crainte, et ce même si on n'a, fort de son bon droit, rien à se reprocher.
C'est un homme de métier, un professionnel, il n'est pas formé pour être
gentil, il l'est pour être efficace. Ça ne me gêne pas vraiment que le
gendarme inspire ce type de sentiment, on dit d'ailleurs communément que la
crainte est le début de la sagesse, vieil adage mais peut-être plus vraiment
adapté à notre société moderne et un peu (?) déliquescente, 7 hélicoptères
survolant en continu un périmètre relativement délimité, un nombre non
déterminé mais impressionnant de véhicules blindés plus ou moins « tout-
terrain», du matériel de détection sophistiqué avec caméras infra-rouge et
appareillage de vision nocturne, des drones en veux tu en voilà, sans
compter les brigades cynophiles, et les négociateurs psychologues au cas
où, et tout ce que je ne sais pas. Ça fait quand même beaucoup de monde,
personne ne pourra penser ni dire qu'on n'y a pas mis les moyens (le budget
que ça représente, je n'ose même pas y penser). Les routes barrées, les
autochtones claquemurés, les commerces bouclés, les écoles fermées, le
dispositif était impressionnant. Même le préfet en grand uniforme (surtout
avec la casquette qui va bien, nimbée de feuilles de laurier dorées, c'est
quand même beaucoup mieux que celle de chef de gare, qui déjà, en jette
[en argot de cheminot, c'est « le fromage blanc »], ça donne beaucoup de
prestance je trouve) s'en est mêlé (c'est son boulot tout compte fait, on ne
peut pas lui reprocher), assisté d'un état-major assurant la coordination
indispensable : le dispositif, la répartition des positions, la relève (si ça dure
un peu, il faut le prévoir), la bouffe, la recherche raisonnée du fugitif, bref de
quoi s'occuper et de ne pas voir passer le temps. Et là dessus la nuées des
voyeurs en tout genre, journalistes et reporters caméramen, bourdonnant
comme des mouches autour d'un pot de miel (tu peux préférer les abeilles,
c'est plus bucolique et plus bio, mais la vérité et la simple observation
m'obligent à dire que j'ai vu plus souvent des mouches que des abeilles sur
les pots de miel, et qu'il y des choses qui les attirent encore plus que le miel,
notamment les grosses vert-bleu avec des reflets métalliques, mais on n'est
pas là pour un cours d'entomologie). Loin de moi l'idée que les moyens déployés sont exagérés : un quidam
plus ou moins violent (plutôt plus que moins selon les informations
disponibles) qui se promène avec une arme puissante, et qui tire sur tout ce
qui bouge avec désinvolture aussi facilement que je rigole ne mérite pas
forcément le respect, mais au moins une attentive circonspection : Je ne suis
pas grand expert en armement, mais la Winchester 30/30 dont il disposait
(c'est une information qui a été reprise plusieurs fois et donc qui est peut-être
presque vraie) est une arme relativement redoutable, les chasseurs
chevronnés la boudent un peu, sa munition leur paraît un peu légère pour
arrêter le sanglier, mais elle tire quand même un pélot de 7,62 mm
efficacement à plus de 300 mètres avec une précision tout à fait intéressante,
c'est quand même le niveau au dessus par rapport à la carabine de tir de fête
foraine. C'est une arme à répétition à canon rayé, pas automatique
[automatique, ça veut dire en rafale], seulement semi-automatique donc, et
encore, il faut réarmer à chaque fois avec le levier de sous-garde, ce n'est
donc pas une vraie semi-automatique, avec un magasin tubulaire à 6
cartouches (7 coups disponibles donc si tu a pris la précaution d'introduire
une munition dans la chambre préalablement au chargement). Je t'embête
avec des détails, mais grâce à ça, tu arrives à comprendre les précautions
prises : pour peu que le gars se mette en embuscade bien retranché, il risque
de faire du dégât avant d'être neutralisé à l'occasion d'une opération de
ratissage un peu hâtive. S'il tire, il révèle sa position certes, mais personne
n'a envie de le démasquer en faisant l'appeau : il n'y a que dans les westerns
de ma jeunesse que le coup du chapeau agité au bout d'un bâton marche
bien, dans la vraie vie c'est beaucoup plus risqué. Ils ont sagement préféré
l'usure à l'affrontement direct. Aguerris, je te le disais au départ, aguerris, au
point de ne pas vouloir risquer la vie de quiconque dans la traque d'un
forcené. On ne peut pas leur reprocher de faire les cowboys de façon
irréfléchie. Je ne connais pas toute l'histoire, je ne connais pas les détails,
j'ignore s'il y a des composantes psychiâtriques à incriminer dans le
comportement de l'individu en question, mais figer la situation est une
stratégie raisonnable, laisser décanter ne peut pas nuire, le stress, la colère,
éventuellement les effets de l'alcool et des drogues ne peuvent que
s'estomper. Un forcené, calmé, fatigué, endormi, affamé et assoiffé, c'est
mieux, ce n'est déjà plus stricto sensu un forcené. 
Profitant de ces moments d'attente, de calme avant la crise, on se
prend à méditer, à laisser errer sa pensée, une réflexion entraînant l'autre, on
se pose des questions anodines, d'autres plus profondes, sans pouvoir
obtenir de réponse vraiment satisfaisante. Comment une société relativement
policée comme la nôtre en arrive à des situations comme celle à laquelle
nous sommes confrontés ici ? La chasse à l'homme ne devrait être qu'une
rareté presque folklorique, qu'une exception moyen-âgeuse, elle est en fin de
compte la confirmation d'un échec, elle est une réponse collective violente à
une violence individuelle, elle trahit une faillite de la société qui n'a pas réussi
à endiguer, à canaliser les obscurs élans bestiaux qui nous rabaissent au
niveau de l'animal (et encore, quand je parle comme ça, il y a des animaux
qui doivent se sentir insultés). Une exception disais-je, mais qui se reproduit
de plus en plus souvent, trop souvent. Somme-nous en train de régresser ?
Le vernis éducatif que la société tente de nous applique est-il si mince que la
violence , la brutalité ressurgissent aussi fréquemment ? Les scènes
conjugales s'intensifient outre mesure (euphémisme pudique : il y a encore
beaucoup trop de femmes battues sans que ça interpelle grand monde), les
disputes d'écoliers dégénèrent, ce qui ne devrait être qu'algarade ou simple
échange verbal un peu vif (c'est déjà de la violence) débouche sur des
menaces lourdes, sur des coups, voire des coups de couteau, sinon pire, on
n'oserait plus, par exemple, et depuis longtemps, faire une remontrance
même voilée à un gamin qui met ses pieds sur les sièges dans le métro, on
n'ose plus revendiquer un emplacement de stationnement convoité par un
autre qui l'aurait vu avant, une place contestée dans une file d'attente donne
parfois l'occasion de horions et de quelques points de suture, je ne veux pas
céder au sentiment d'insécurité ambiante, mais c'est sûr, notre monde est
devenu plus violent, plus dur. Le chacun pour soi est devenu la règle, le repli
sur soi est le mode de vie, au moins pour quelques uns dont on ne sait plus
dire s'ils ont rejeté la société et ses conventions ou si c'est la société qui les a
rejetés. Heureusement, la grande majorité d'entre nous applique sans
difficulté les codes, la solidarité, valeur sûre, reste importante. Mais les
circonstances actuelles, un peu spéciales il faut l'avouer, n'expliquent pas
tout. Tu peux souffrir du confinement, exécrer le port du masque, ce n'est pas
une raison pour taper sur ta femme ni t'en prendre à tes voisins qui n'en
peuvent mais. A fortiori, aller s'en prendre à l'autorité (ou à ses représentants)
n'est pas de très bon ton non plus.
Pour améliorer cet état de fait, pour prévenir cette montée incontestable
de la violence, je ne connais pas de recette miracle, je ne détiens pas la
solution. Je ne fais pas la morale, je fais simplement part de mon désarroi, et
de mon inquiétude. Il faut changer de paradigme (c'est une locution à la
mode, un peu prétentieuse en définitive, juste pour dire de façon moins
simple qu'il faut regarder les choses autrement, d'un autre point de vue) en
définitive : Je te donne en exemple la limite de vitesse que nous impose le
code de la route. Tant que l'on considère que cette limitation est une
aberration, une atteinte aux libertés, que les radars de contrôle sont autant de
sources de revenus pour l'État, rien de plus que des « pompes à fric », que
les gendarmes sont placés en embuscade sur les routes à des endroits
propices et lucratifs pour pièger les contrevenants, au lieu d'admettre qu'ils se
placent à des endroits où l'excès de vitesse est dangereux, tant que le « pas
vu pas pris » sera le mode de penser de gens exceptionnels censés être des
conducteurs émérites habiles et attentifs (tu l'a remarqué, tout comme moi,
c'est toujours l'autre qui est dangereux !), la violence routière sera encore
longtemps un fléau national. 
Mais la violence ou plutôt la non-violence, ça devrait s'apprendre, ou
plutôt se réapprendre, beaucoup plus tôt. Je suis trop âgé, j'ai des façons de
penser un peu désuètes, que je n'ai plus l'envie ni le loisir de revoir
(d'améliorer ?), je pense qu'il y a dans l'éducation de nos jeunes quelques
coups de pied au cul qui leur ont manqué au bon moment, et que le rappel à
la loi officiel est suranné et beaucoup trop tardif, mais empêtré dans mes
contradictions, je sais que ce pied au cul pourtant salutaire n'est pas la
solution, j'y vois déjà une forme de violence rédhibitoire... Je le dis avec
honte, je n'ai pas vraiment la solution.
 
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