lundi 18 janvier 2021

La Chronique de Charles : Vacciné !

Mauvaise langue (langue de pute serait excessif, et fort trivial, langue de vipère serait adéquat, mais infère à mon sens un a priori féminin-ophidien (Ève et le serpent) malsain que je ne me reconnais pas, j'ai beaucoup de défauts assurément, énormément de défauts, plus que je n'en saurais dire, ne m'en reproche pas de façon injustifiée les aspects ambigus et pervers attribuables à une féminité supposée refoulée). En tout cas, mauvaise langue assurément, puisque je me suis trompé lamentablement dans mes écrits précédents. Déjà la prophétie, je me suis bien rendu compte que ce n'était pas franchement mon truc, même en amateur, il fallait que je me fasse une raison, comme le dit l'adage, nul n'est prophète en son pays (mais je pensais qu'écrire à Roubaix, moi qui suis de Tourcoing [je ne suis pas franchement de Tourcoing, c'est juste pour dire de simplifier, je ne vais pas te regrimper mon arbre généalogique rien que pour satisfaire ta curiosité, ça manquerait d'intérêt], c'était suffisant, il faut croire que non, il y faut probablement un peu plus de distance pour le mystère, j'essaierai à partir de Wambrechies la prochaine fois, et pourquoi pas, soyons fou, on peut rêver, de Quesnoy-sur- Deûle, mais plutôt rive gauche ? Après, s'il faut vraiment s'expatrier, la Belgique est une option pour un dépaysement plus affirmé, je verrais bien Menin, toujours rive gauche (mais là, ce n'est plus la Deûle, c'est la Lys, quelle aventure !). 
Mauvaise langue, puisque je subodorais dans mon écrit précédent des difficultés d'approvisionnement en vaccins, un démarrage poussif de la campagne de vaccination qui nous conduisait dans mes prédictions au moins à fin 2021 sinon plus tard, pour une protection immunitaire effective en population générale. J'étais exagérément pessimiste, c'est vraisemblablement lié à ma nature mélancolique, j'ai changé d'avis (il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, et comme dit l'autre, ç'a toujours été mon avis), un peu comme le gouvernement et son Premier Ministre (la polémique stérile ne l'enthousiasmait pas, on le comprend, mais, pas de chance, les polémiqueurs avaient au moins partiellement un peu raison), qui s'oblige donc au prix de contorsions intellectuelles du plus bel effet à une volte face de toute beauté. Je ne lui entrevoyais pas autant de souplesse au Monsieur Déconfinement à peine raté, quel beau demi tour droite élégant, et tout ça sans se dédire, on le savait habile négociateur, mais là, changer de cap à 180° sans changer d'idée, ça peut s'apparenter à une forme d'art, c'est de la haute école, un cheval qui sait faire ça, tu l'envoies à Pompadour pour la reproduction et la conservation de l'espèce. Quoiqu'il en soit, la campagne s'est accélérée de façon significative. J'ai pu apprécier dernièrement le fonctionnement d'un des premiers « vaccinodromes » (on n'a pas le droit d'employer le mot, il serait tabou, mais ce n'est pas franchement écrit, donc pas punissable, c'est juste un peu mal élevé, il faut bien que je me dévergonde). 
Pour toute la région, il n'y avait qu'un centre, tu ne risques pas de te tromper, un centre et un numéro de téléphone qui ne répond pas, ou qui coupe tout de suite. Une fois que tu as compris ça, et après relecture de l'info qui précise sur le site gouvernemental (donc sérieux) que c'est sans réservation, tu te décides d'aller sur place, qu'est-ce que tu risques, à part un ticket de métro et un refus pas forcément poli ? (en réalité deux tickets, un pour l'aller, un autre pour le retour, je le dis juste pour la précision, pas pour la mesquinerie). Là bas, c'est fléché dès la sortie du métro, mais il y a sur les lieux au moins trois opérations de masse en même temps (Médecine du Travail, dépistage Covid et vaccinations Covid), c'est dire que des flèches il y en a beaucoup. Heureusement, apparemment, des organisateurs zélés ont prévu de t'aider à lire les flèches (ce qui est au moins paradoxal, si on pense à t'aider à lire les flèches c'est qu'on s'est aperçu que leurs indications sont absconses, auquel cas, le mieux aurait été de les modifier d'emblée) : deux petits jeunes bien aimables servent de guides et m'expliquent où je dois me rendre, pas facile pour eux de m'orienter avec mes vieux repères (je ne suis pas perdu, la première fois que je suis entré à l'hôpital Calmette, c'était en 1964, j'y suis ensuite allé quotidiennement jusqu'en 2014, en cinquante ans la répartition des activités et services a beaucoup varié tout au long de la période), on finit par se mettre d'accord et j'arrive enfin au centre de vaccination (nostalgie, c'était à la place de ce qui était l'ancien centre d'hémodialyse [c'est là que j'avais pris mon premier repas lors d'une garde du dimanche, l'internat en cours de construction n'était pas encore aménagé sérieusement]). Il y a de l'attente dehors, des pompiers en uniforme de pompier (c'est à ça, intuitif en diable, que je les ai reconnus) qui attendent leur tour sans encombrer le hall dont la jauge est limitée, qui avaient rendez- vous et qui m'invitent à entrer pour régler mon problème. Là, tu as l'impression d'une fourmilière, mais pas la fourmilière en effervescence comme quand tu y a mis un coup de pied, non une fourmilière active, efficace, mais sans agitation excessive, ça remue, ça bosse, ça s'active sans traîner mais sans énervement, personne n'est sur les dents. La preuve, la perturbation qu'a entraîné ma présence est vite gommée, assimilée, ingérée par cette machine qui fonctionne en continu, sans heurts. Moi qui venais tout à trac, aux renseignements, à l'improviste, je suis, au prix d'une attente minime dont ils s'excusent, accepté et pris en charge administrativement pratiquement dans la foulée, et avec le sourire. J'ai même une date prévue pour l'injection de rappel. 
Un tout petit quart d'heure plus tard, dans la salle d'examen où l'on m'a introduit, on me remet deux feuilles (4 pages) d'informations qui t'expliquent le vaccin et tout ce que tu risques (c'est un peu la même chose que pour tes médicaments, si tu lis la notice avec tous les effets secondaires et/ou indésirables, déjà tu prends les grelots avant d'ouvrir la boîte). Il y en a tout une liste : ça va de très fréquent à rarissime en une énumération qui finirait par faire peur, mais si tu regardes mieux, c'est à peu près comme pour le vaccin anti-grippal, pas de quoi en faire tout un plat, mais bon, à une époque où l'on intente des procès aussi facilement que je rigole, s'il t'arrive un truc, tu ne pourras pas dire qu'on ne t'a pas prévenu. C'est simplement le parapluie réglementaire habituel. Un truc m'inquiète un tantisoit peu : « A noter que la fréquence des réactions systémiques est plus importante lors de l'administration de la deuxième dose ». Ça promet ! 
Le médecin qui consulte est bienveillant mais impressionnant, c'est un médecin pompier plein de galons, mon instruction militaire est ancienne, et elle a été, il faut bien le dire, très sommaire (ils ne m'ont gardé que dix jours au total, après d'abord, avant les études, un Conseil de Révision à poil devant les élus locaux de mon village, puis plus tard un passage au Centre de Sélection de Cambrai et à l'Hôpital Militaire de Lille avec son escalier classé à double révolution, bien avant qu'il ne devienne annexe administrative de la Préfecture, là où tu allais chercher ta carte grise, maintenant ils te l'envoient par la poste) cinq galons dorés (j'ai vérifié depuis, c'est bien ça), pas un lieutenant-colonel, un vrai colonel plein pot, tu imagines, moi qui me mets au garde à vous devant un simple gardien de la paix (mes parents, gens simples et sages, m'ont appris le respect de l'ordre et de l'autorité, et m'ont donné le conseil avisé de « ne pas trop rigoler avec les militaires, ce sont eux qui ont les fusils » disaient-ils), il a le bon goût de penser que je vais pouvoir résister sans problèmes au geste vaccinal. Quelques instants plus tard, la petite infirmière officie et me remet un certificat dûment tamponné à conserver précieusement, et chronomètre précisément le strict quart d'heure de surveillance préconisé par la procédure, avant de me laisser repartir. Il ne s'est rien passé, je ne peux pas dire que j'ai été déçu, mais quand même, si j'avais pu faire un petit malaise, et qu'on s'occupe de moi, histoire de pouvoir faire mon intéressant, un petit malaise seulement, je ne demandais pas un arrêt cardiaque, jamais je n'aurais eu cette outrecuidance. Mais non, rien de rien. Au total, j'y aurai passé un peu plus d'une heure tout compris, c'est dire si l'organisation est rodée. 
Je suis tout de même perplexe pour la suite des opérations : je risque une réaction systémique plus fréquente (c'est écrit plus fréquent, pas plus grave, la notion est subtile) que pour la première injection, c'est écrit sur le prospectus, je crains le pire, plus fréquente que zéro, je ne sais pas combien ça fait, c'est ça qui m'inquiète, et ce d'autant plus que réaction je sais à peu près, mais systémique c'est l'inconnu (systématique j'aurais compris, c'est pour tout le monde, mais là on n'aurait pas parlé de fréquence), cette angoisse me ronge, et puisqu'on en parle, me tape comme par un fait exprès, justement sur le système. Mais ce ne sera, au pire, qu'un mauvais moment à passer, soyons courageux ! 
Au final, me voilà donc obligé de battre ma coulpe, de reconnaître que j'ai eu tort (et ça me coûte beaucoup, tu connais quelqu'un qui aime avoir tort ?), que la campagne vaccinale peut aller très vite, beaucoup plus vite que je ne l'aurais pensé. Il y a déjà des centres de vaccination prévus ou implantés un peu partout, et voulus « à taille humaine », il y aura probablement des problèmes logistiques surtout liés à la chaîne du froid, mais ce sera vraisemblablement une minorité de cas, et les couacs se feront encore plus rares avec les vaccins plus faciles à conserver qui vont commencer à être disponibles. 
Si je me permets ici dans ces lignes de raconter ma vaccination, ce n'est pas pour faire le kéké (je suis un peu extraverti mais pas à ce point là, ou du moins n'en ai-je pas une conscience claire), pour narguer les non encore vaccinés (il y a des gens qui adorent ça, savoir avant tout le monde, y être allés avant tout le monde, propager une information vraie ou fausse avant tout le monde, je suis beaucoup plus modeste [pour la modestie je ne crains personne]), non, c'est pour exprimer ma surprise (heureuse) devant un truc qui marche bien, qui augure bien de la campagne de vaccination qui se met désormais rapidement en place (plus rapidement que je n'osais l'espérer). J'ai habituellement la critique ricanante facile (et acerbe, quand j'y arrive, l'acerbité ce n'est pas facile, il faut des années d'apprentissage), mais quand c'est bien, il faut le dire aussi, il n'y a ces temps derniers pas vraiment beaucoup de motifs de satisfaction. Autant se réjouir de ceux qu'on a à connaître.

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