Je ne suis pas grand clerc, il y a quand même quelques petites notions
que la vie (et les études) m'ont apprises, et pour lesquelles je n'ai pas trop
d'incertitudes : j'ai profité dans mon jeune temps de quelques initiations dans
des disciplines qui se sont aujourd'hui tellement spécialisées que j'ai
l'impression d'avoir été superficiel, un peu « touche à tout », et que je n'ose
plus dire que j'ai été formé en toute modestie et même sommairement, à la
bactériologie, la virologie, l'infectiologie, l'épidémiologie, la santé publique,
l'économie de la santé, j'en passe et des meilleures. Le peu que j'en ai
retenu, en ces temps déjà anciens, où l'on était peut-être un peu plus
simpliste qu'à l'heure actuelle, mais pas moins efficace pour autant, c'est
qu'une contamination aérogène en population générale, tu pouvais faire ce
que tu voulais, c'était impossible à endiguer (mais non, ne confonds pas, pas
érogène, aérogène ! Érogène, c'est quand tu t'excites, aérogène, ici, c'est
seulement quand tu respires). C'était une fatalité, inéluctable, il fallait
apprendre à vivre avec. Une dissémination par aérosol, c'est imparable dans
notre société, il n'y a pas d'autre moyen de se préserver que d'éviter de
respirer l'air exhalé chargé de virus des sujets contaminés. C'est simple
affaire de dilution (si tu as du temps à perdre, tu peux aller relire les lois de
Fick), plus on est loin d'eux (les sujets contaminés), plus l'air ambiant est
pauvre en germes infectieux. En plein air, et en courant d'air, peu de risque, à
l'intérieur, c'est déjà critique, si l'air est immobile, le risque devient vite très
important. Si le sujet infecté parle, crache, tousse, ou postillonne, c'est
encore plus efficace pour la transmission. Le masque et les gestes barrières
restent certes indiqués, mais largement insuffisants, ce n'est pas la panacée,
ce sont juste de pauvres petits moyens, il faut savoir l'accepter, et surtout se
tenir à bonne distance de la respiration de ses contemporains. Dans ce type
de contamination, la transmission par contact n'est pas exclue, les gestes de
propreté restent utiles, mais l'essentiel de la prévention est ailleurs, je le
répète, il est d'éviter l'exhalaison de ceux qui viennent vous souffler dans le
nez, masque ou pas masque.
Je ne suis pas grand clerc (je le dis souvent, en toute fausse modestie),
je ne prétends pas éviter à coup sûr le virus, je n'ai pas l'outrecuidance de
penser que je vais passer au travers de la pandémie, néanmoins je prends
toutes les précautions pour éviter de contracter la maladie, mais je suis un
peu fataliste, un peu pessimiste aussi. D'autres bien plus malins que moi se
sont infectés, j'y ai échappé pour l'instant, je n'en tire aucune vanité, j'ai
simplement été aidé par la chance (et/ou les statistiques, mais tu peux y voir
une intervention divine si ça te chante), et je prie (c'est une façon de parler, je
n'ai plus beaucoup de religion) pour que cela dure.
Ce long préambule n'est pas là pour faire état de mes maigres
connaissances, ni pour faire part de mon fatalisme maussade, ni participer à
la morosité ambiante, encore moins pour me targuer d'avoir raison (le côté
« je vous l'avais bien dit » m'agace déjà beaucoup chez les autres, ce n'est
pas pour le tolérer de mon fait, les donneurs de leçon a retro m'exaspèrent, je
ne vais pas m'y mettre aussi, il y a même des fois où je ne me supporte pas,
et pourtant j'ai la faiblesse d'avoir beaucoup d'indulgence envers moi-même,
j'ai une excuse, je m'aime bien), mais pour faire remarquer que malgré toutes
les précautions prises, les meilleurs se font prendre.
Puisqu'on en parle justement, ne voilà-t-il pas que mon Président a
chopé le virus ! Je trouve ça drôle, attention, je n'aurai pas la cruauté de me
moquer, je ne me permettrai pas, je lui souhaite une forme clinique mineure
aussi bénigne que possible et un rétablissement prompt et sans séquelles,
qu'il retrouve sa pleine forme rapidement fait partie de mes souhaits sincères.
Je ne suis pas à l'abri d'être dans le même état demain, je ne voudrais
surtout pas ressembler à l'arroseur arrosé. Non, ce que je trouve drôle, c'est
le déferlement de réactions diverses que ça déclenche, reprises en continu
par les médias surexcités, On a tout vu, tout entendu, je n'exagère pas, on a
même tout sous-entendu. C'était vraiment, comme on dit, le bal des faux
culs.
Comment l'a-t-il chopé, il n'en sait rien lui même, son application « Tous
antiCovid » ne le lui a pas dit (il faut dire qu'il ne l'avait peut-être pas activée,
ou alors son contaminateur non plus, va savoir, avec tous ces étrangers
venus d'ailleurs qu'il rencontre, et qui n'ont pas chargé cette merveilleuse,
onéreuse, utile et inutilisée franco-française application, et puis tu peux aussi
te faire inoculer par quelqu'un qui n'a pas de smartphone, c'est rare, mais
c'est possible aussi). Éviter les contacts, c'est relativement facile pour moi,
pour lui c'est beaucoup plus difficile, il en voit du monde, et du monde qui a
beaucoup de contacts, et à l'évidence un bon appétit et des envies de
travailler tard le soir : on n'est pas près de retrouver le responsable, entre
déjeuners de travail plateaux-repas et dîners d'affaires intimes à 12 convives
avec micros sous les ors du palais présidentiel.
La foire aux imbécillités et autres lieux communs était ouverte, entre
autres, la grosse interrogation des journalistes : « Va-t-il pouvoir continuer à
assurer ses fonctions ? ». Ça ne m'inquiète que très modérément, peut-être
le devrais-je, c'est quand même lui, en définitive, qui a le doigt sur le bouton
nucléaire, il ne faudrait pas qu'il nous fasse un accès de fièvre délirante avec
des éléphants roses partout (renseigne-toi, c'est grâce aux éléphants roses
qu'on détermine que c'est un vrai délire, ça permet un diagnostic différentiel),
qu'il leur balance des missiles atomiques, ce serait assez pour se fâcher avec
les écologistes, (ils râlent déjà beaucoup pour les ours bruns tués dans les
Pyrénées ou les loups gris dans les Alpes, alors des éléphants roses tu
penses, espèce rare probablement en péril d'extinction, tu vois le tableau
d'ici !), et on n'a pas vraiment besoin de ça en plus (de se fâcher tout vert
avec ces mêmes écologistes [tu peux aussi te fâcher tout rouge avec eux,
mais là, ce n'est pas franchement conseillé, ce serait de la provocation, je ne
réponds plus de rien]).
On a eu droit à la liste (sans fin?) des présidents qui ont menti, ou au
moins raconté des carabistouilles (la carabistouille n'est pas franchement un
mensonge à part entière, c'est, comment te dire, une légère distorsion de la
vérité vraie, une représentation floutée et relative d'informations trop crues ou
trop pénibles à supporter, c'est pour ton bien, pour t'éviter trop d'émotions,
bref, la carabistouille t'entube dans les grandes largeurs, elle a des propriétés
anesthésiques, voire euphorisantes) sur leur état de santé, on a refait
l'historique de la Vème à partir de la prostate de l'un, de l'AVC de l'autre, du
cancer du troisième, on n'est pas remonté à la fistule de Louis XIV, mais pas
loin (Dieu sauve le roi !), on a eu des commentaires la plupart du temps très
niais (pour ne pas dire plus) sur le secret médical, par des gens qui parlaient
sans savoir (si on ne laissait parler dans le poste que des gens qui savent
quelque chose, il y aurait souvent des blancs, ce serait anxiogène, tu
penserais que le son de ta TV est en panne), j'ai même entendu dire qu'il ne
devrait pas donner lui même des nouvelles de sa santé, que nous devrions
par contre avoir droit à un communiqué médical officiel. C'est vrai que ce
n'est pas toujours le malade qui connaît le mieux sa maladie, mais de là à
vouloir l'empêcher de donner de ses nouvelles et dire ce qu'il en pense, il y a
une marge. On l'a vu en vidéo, il est toujours vivant, les complotistes
penseront l'inverse (on leur cache tellement de choses, et on fait tellement de
trucages vidéo plus vrais que nature). En attendant, il m'avait l'air un peu
barbouillé, fatigué, et, avec tout le respect que je lui dois, la tête d'un homme
qui a un prout qui ne passe pas (tu peux aussi dire « une mine de papier
mâché », c'est plus classe, mais moins explicite). En toute sincérité, bon
rétablissement, Monsieur le Président !
En attendant, la doctrine « tester tracer isoler » désormais repensée et
reformulée pour des raisons de communication en « tester alerter protéger »
est largement mise en défaut, Président de la République ou pas, la présente
situation en est une flagrante démonstration s'il en était encore besoin. Je n'y
ai jamais cru beaucoup, je n'y adhère toujours qu'à mon corps défendant. Il
n'est pas si facile de remonter à la source de la contamination, déjà retrouver
ne serait-ce que quelques cas contacts est un exercice difficile et peu
productif. On l'a toujours su, depuis le départ, mais il y a des entêtés, qui
s'obstinent (c'est normal, quand on a peu d'idées, on se cramponne à celles
qu'on a, et il y a ma foi, peu de marge entre persévérance et obstination, tout
est dans la nuance, le jugement qu'on porte sur ce type d'entreprise est
influencé par le succès qu'on en attend, succès qui pour l'instant, et c'est le
moins qu'on puisse en dire, n'est pas au rendez-vous), ça les occupe, ça les
rassure peut-être et leur donne l'impression d'être utiles. Ce n'est pas avoir la
victoire modeste que de dire qu'on dépense là énormément d'argent et
d'efforts pour un résultat très insuffisant, médiocre pourrait-on dire. Retrouver
les contaminateurs est tâche ardue, ingrate et incertaine, pour un bénéfice
modeste, et sans grande influence sur la propagation de l'infection, surtout si
tu ne leur proposes pas un isolement efficace (relativement coercitif ?).
Et puis voilà que des nuages (noirs ?) s’amoncellent, qui nous viennent
d'Outre-Manche. Un virus qui mute, ce n'est pas vraiment une surprise, c'est
dans l'ordre des choses, banal, anodin même, que ses modifications le
rendent plus pathogène, plus contagieux, plus résistant aux anticorps
élaborés grâce à nos (futurs) vaccins est du domaine du possible, mais rien
de franchement avéré à ce jour. Mais n'importe, le catastrophisme ambiant
n'y résiste pas, notre cerveau reptilien entre en jeu, on se recroqueville dans
sa coquille, on ferme les frontières, ces anglais pourtant si sympathiques, tout
de même ils exagèrent, comme si le brexit ne leur suffisait pas, l'Entente
Cordiale vacille, je pressens qu'on va bientôt reparler de la perfide Albion, de
Jeanne d'Arc, qu'ils ont brûlée à Rouen, d'Aboukir, de Trafalgar, de Waterloo
(à Waterloo, ils n'étaient pas tous seuls, mais ils y étaient), de Mers-el-Kébir.
Cette mutation, ils ne l'ont pas fait exprès j'imagine, mais c'est sur eux que
c'est tombé, ce n'est peut-être pas par hasard (et en avant pour la théorie du
complot...). En attendant, les coquillages et les fruits de mer du réveillon du
Nouvel An vont nous manquer, on a bloqué leurs camions à la douane, ce
n'est quand même pas leur faute, quoique...(cf supra, le complot). Pas de
langoustines anglaises pour le réveillon, on se rattrapera sur les huîtres et les
escargots (les grands bretons n'aiment pas ça, paraît-il), en se lamentant sur
le prochain confinement qui nous pend au nez.
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