Cette fois-ci, il communique avec les jeunes, sur des chaînes que je ne
connais pas, avec des moyens que je ne comprends pas, il voudrait me
snober qu'il ne s'y prendrait pas autrement. Je suis offusqué, il mériterait que
je ne l'écoute pas ! Quelle mouche lui prend de vouloir s'adresser
spécifiquement aux jeunes, moi qui suis dans la fleur de l'âge (c'est une
expression pudique pour dire que j'ai plus d'arthrose que d'acné,
malheureusement, l'acné il est possible de s'en débarrasser, l'arthrose non),
j'ai l'impression d'être mis sur la touche comme on dit sur les terrains de
football, d'être évincé de la vie normale, pour tout dire un peu crûment, un
peu brutalement, d'être ringardisé. Il ne leur suffit donc pas, à nos instances
dirigeantes attentives et bienveillantes d'envisager de nous protéger comme
des porcelaines précieuses (NB : la porcelaine de qualité peut-être de Saxe,
de Sèvres ou de Limoges, mais le vrai nougat est obligatoirement de
Montélimar, sans vouloir faire offense à celui de La Madeleine), de prévoir de
nous cocooner mielleusement (si, si, elles l'ont fait, elles y ont pensé, il a fallu
que le Conseil d'État y mette le holà, pour qu'on évite un confinement anti-
Covid 19 spécial senior, tellement elles avaient eu honte d'avoir oublié les
vrais vieux des EHPAD) ! C'est vrai que, si on y réfléchit un peu,
incontestablement, il y a moins d'écart d'âge entre lui (le Président) et ces
jeunes qu'il interpelle qu'entre lui et moi, et je n'arrive pas à m'en consoler.
Pourtant, je ne peux pas m'en empêcher (curiosité malvenue et/ou
malsaine ?) je l'écoute assidûment. Je n'y ai pas grand mérite, il parle bien,
de façon claire, structurée, ils connaît ses dossiers. Il donne l'impression
d'être spontané, preuve qu'il a déjà réfléchi précédemment à la question
évoquée, j'ai beaucoup d'admiration et de respect pour l'homme (pas
forcément pour toutes ses idées, j'ai mon quant-à-soi). Il se complaît à ce
type de joute oratoire, il y est à l'aise, et y excelle, tout le monde l'a bien
remarqué lors des entretiens « marathons » grand public « gilets jaunes »
des années passées. Ça lui donne soif, j'ai remarqué, il boit beaucoup d'eau
(enfin, je pense que c'est de l'eau, il faudrait peut-être lui faire subir un
contrôle anti-dopage, si tu as des doutes).
Quand même, c'est un autre public, j'ai l'impression d'être indiscret, de
violer une intimité, il y a peut-être des choses destinées aux jeunes que je ne
dois pas entendre, ce que j'écoute a un parfum de fruit défendu, est-ce
délicieux pour autant ? Tout compte fait non : Il a été parlé de violences
policières (c'est pas bien), de violences de policiers (c'est pas bien non plus,
mais ce n'est pas la même chose , le distingo n'est même pas subtil [je te
mets un u de côté, au passage si tu préfères écrire distinguo, c'est ton
problème, moi je le sens mieux sans]), de violences envers les policiers (c'est
pas bien du tout, là non plus, et c'est encore autre chose). Moi qui suis d'une
autre génération (euphémisme poli pour dire que j'ai quelques wagons de
retard, ou d'avance, ça dépend comment on voit les choses), qui riais sans
malice (au siècle dernier, il y a prescription) au théâtre de marionnettes,
quand je voyais Guignol rosser le gendarme, j'ai beaucoup de mal à accepter
l'idée d'un monde mal policé où les services d'ordre et de sécurité désabusés
peinent à faire leur travail, où les gardiens de la paix se masquent pour
remplir leurs missions, de peur d'être harcelés dans leur vie privée. S'il faut
expliquer aux jeunes de quel côté sont les bons, c'est peut-être qu'il y a
certes parfois quelques représentants de l'ordre qui dérapent (une infime
minorité j'en suis sûr) dont on parle beaucoup trop, mais c'est surtout qu'il y a
de grosses carences dans les principes éducatifs qu'on tente d'inculquer à
nos jeunes. Je ne suis pas un nostalgique, tout n'était pas mieux avant, je ne
suis pas un affreux «réac», je pense que les jeunes n'évoluent, et ne
progressent donc, qu'en fonction des valeurs que nous essayons de leur
transmettre, c'est là toute notre responsabilité, et il faut reconnaître que
globalement nous ne sommes pas trop bons sur ce coup-là (insuffisance
et/ou incompétence ?), et tant pis si je passe pour un vieux con sentencieux.
Et puis voilà que notre Président s'énerve un peu (remarque, il y avait
de quoi, les groupes de réflexion citoyens, il en faut, ça ne fait pas de mal,
mais la démocratie directe, c'était bien dans la Grèce antique, notre
représentation nationale en est la ligne directe, il a bien fait de regimber, de
renâcler, de monter sur ses grands chevaux si j'ose cette métaphore
équestre, équine ou hippique, c'est toi qui vois, c'est toi qui décides : par le
passé, il y avait des boucheries chevalines, elles sont devenues
hippophagiques par la suite, c'est toujours du cheval, par contre quand tu
manges du bœuf, c'est le plus souvent de la vache, alors, ne me casse pas
l'élan au milieu d'une phrase pour m'asticoter sur des détails !). Tout ça à
propos d'écologie, je comprends que ce soit un sujet qui fâche : le petit jeune
qui débarque dans la vie sur une planète qu'on a salie, et abîmée, qui se
retrouve obéré d'une dette colossale, entre le remboursement de la crise
Covid, le paiement de nos retraites (pourvu que ça dure), la canicule à
répétition, et les perspectives d'emploi réduites, je comprends qu'il soit
acrimonieux, que l'enthousiasme lui fasse défaut. L'algarade passée, retour
au calme, fin de l'entretien, ça se continue sur SnapChat, c'est vraiment pour
les jeunes, je n'ai même pas cherché à suivre l'entretien, j'ai déjà eu du mal à
mettre ma dérogation de déplacement dans mon téléphone. La télévision sur
un écran de 8 cm en marchant, ça me défrise un peu. On va les laisser entre
eux.
Les nouvelles sont mauvaises, d'où qu'elles viennent, chante Stéphan
Eicher. Pas de quoi pavoiser en effet, la vague de contaminations ne reflue
que trop discrètement, comme partout en Europe, pas suffisamment pour
autoriser la levée des mesures qui nous pèsent, les fêtes de fin d'année
seront un peu moins joyeuses, et encore, pas sûr, ce n'est pas parce que l'on
est moins nombreux que l'on s'amuse forcément moins. Mais comme je suis
un esprit chagrin (par moments seulement, il m'arrive de ricaner plutôt que de
sourire), je m'interroge sur les différences et inégalités de traitement entre
Noël et Nouvel an. Je comprends que la France, fille aînée de l'église comme
on la désignait (c'était il y a longtemps), et surtout vieux pays de tradition
pagano-chrétienne privilégie Noël plutôt que Nouvel an, mais les tenants
d'une laïcité à tout prix (des laïcistes ?) pourraient y trouver à redire. En ces
périodes de tension, de redéfinitions subtiles, de tentatives d'éradications des
séparatismes, on pourrait comprendre que cette différenciation soit
considérée par quelques uns comme maladroite, malvenue. Mais comme je
l'écrivais encore récemment, foin des grincheux, des atrabilaires, des
empêcheurs de tourner en rond, de chercheurs de cailloux dans les lentilles,
en cette période de trêve (options au choix : a) hivernale, b) de Noël, c) des
confiseurs), paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! Et puisse le
virus ne pas résister à nos nombreux vaccins ! Et que nous puissions tous
résister aussi à ces nombreux vaccins ! Ce sont mes souhaits pour 2021.
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