lundi 14 décembre 2020

Chronique de Charles : Vague à l'âme.

D'habitude, mon Président parle à tout le monde (à ses Chers Compatriotes, ou à ses concitoyens, Françaises Français ça date un peu, c'est désormais passé de mode, c'est fou comme le temps passe), quelquefois avec un peu de Marseillaise, histoire de faire solennel, c'est bien de donner l'impression de rester simple, mais il faut quand même marquer son rang, sinon il y a des gens sans savoir-vivre qui risquent de lui taper sur l'épaule, ou, pire, sur le ventre, comme le feraient des comparses de virée, des compagnons de beuverie. Déjà qu'il y en a pour oser solliciter des selfies, comme pour des vedettes de la chanson ou des footballeurs, maintenir une certaine distance ne peut pas nuire, à condition d'éviter le côté olympien préjudiciable (mais non, ne confonds pas tout, pas olympique, olympique c'est pour les sportifs, une fois tous les quatre ans, olympien, comment te dire, c'est jupitérien, mais en plus nuancé, plus soft, dans jupitérien il y a de la critique acerbe, peut-être de la jalousie, dans olympien il y a de l'aménité, de la bienveillance en quelque sorte). 
Cette fois-ci, il communique avec les jeunes, sur des chaînes que je ne connais pas, avec des moyens que je ne comprends pas, il voudrait me snober qu'il ne s'y prendrait pas autrement. Je suis offusqué, il mériterait que je ne l'écoute pas ! Quelle mouche lui prend de vouloir s'adresser spécifiquement aux jeunes, moi qui suis dans la fleur de l'âge (c'est une expression pudique pour dire que j'ai plus d'arthrose que d'acné, malheureusement, l'acné il est possible de s'en débarrasser, l'arthrose non), j'ai l'impression d'être mis sur la touche comme on dit sur les terrains de football, d'être évincé de la vie normale, pour tout dire un peu crûment, un peu brutalement, d'être ringardisé. Il ne leur suffit donc pas, à nos instances dirigeantes attentives et bienveillantes d'envisager de nous protéger comme des porcelaines précieuses (NB : la porcelaine de qualité peut-être de Saxe, de Sèvres ou de Limoges, mais le vrai nougat est obligatoirement de Montélimar, sans vouloir faire offense à celui de La Madeleine), de prévoir de nous cocooner mielleusement (si, si, elles l'ont fait, elles y ont pensé, il a fallu que le Conseil d'État y mette le holà, pour qu'on évite un confinement anti- Covid 19 spécial senior, tellement elles avaient eu honte d'avoir oublié les vrais vieux des EHPAD) ! C'est vrai que, si on y réfléchit un peu, incontestablement, il y a moins d'écart d'âge entre lui (le Président) et ces jeunes qu'il interpelle qu'entre lui et moi, et je n'arrive pas à m'en consoler. 
Pourtant, je ne peux pas m'en empêcher (curiosité malvenue et/ou malsaine ?) je l'écoute assidûment. Je n'y ai pas grand mérite, il parle bien, de façon claire, structurée, ils connaît ses dossiers. Il donne l'impression d'être spontané, preuve qu'il a déjà réfléchi précédemment à la question évoquée, j'ai beaucoup d'admiration et de respect pour l'homme (pas forcément pour toutes ses idées, j'ai mon quant-à-soi). Il se complaît à ce type de joute oratoire, il y est à l'aise, et y excelle, tout le monde l'a bien remarqué lors des entretiens « marathons » grand public « gilets jaunes » des années passées. Ça lui donne soif, j'ai remarqué, il boit beaucoup d'eau (enfin, je pense que c'est de l'eau, il faudrait peut-être lui faire subir un contrôle anti-dopage, si tu as des doutes). 
Quand même, c'est un autre public, j'ai l'impression d'être indiscret, de violer une intimité, il y a peut-être des choses destinées aux jeunes que je ne dois pas entendre, ce que j'écoute a un parfum de fruit défendu, est-ce délicieux pour autant ? Tout compte fait non : Il a été parlé de violences policières (c'est pas bien), de violences de policiers (c'est pas bien non plus, mais ce n'est pas la même chose , le distingo n'est même pas subtil [je te mets un u de côté, au passage si tu préfères écrire distinguo, c'est ton problème, moi je le sens mieux sans]), de violences envers les policiers (c'est pas bien du tout, là non plus, et c'est encore autre chose). Moi qui suis d'une autre génération (euphémisme poli pour dire que j'ai quelques wagons de retard, ou d'avance, ça dépend comment on voit les choses), qui riais sans malice (au siècle dernier, il y a prescription) au théâtre de marionnettes, quand je voyais Guignol rosser le gendarme, j'ai beaucoup de mal à accepter l'idée d'un monde mal policé où les services d'ordre et de sécurité désabusés peinent à faire leur travail, où les gardiens de la paix se masquent pour remplir leurs missions, de peur d'être harcelés dans leur vie privée. S'il faut expliquer aux jeunes de quel côté sont les bons, c'est peut-être qu'il y a certes parfois quelques représentants de l'ordre qui dérapent (une infime minorité j'en suis sûr) dont on parle beaucoup trop, mais c'est surtout qu'il y a de grosses carences dans les principes éducatifs qu'on tente d'inculquer à nos jeunes. Je ne suis pas un nostalgique, tout n'était pas mieux avant, je ne suis pas un affreux «réac», je pense que les jeunes n'évoluent, et ne progressent donc, qu'en fonction des valeurs que nous essayons de leur transmettre, c'est là toute notre responsabilité, et il faut reconnaître que globalement nous ne sommes pas trop bons sur ce coup-là (insuffisance et/ou incompétence ?), et tant pis si je passe pour un vieux con sentencieux. 
Et puis voilà que notre Président s'énerve un peu (remarque, il y avait de quoi, les groupes de réflexion citoyens, il en faut, ça ne fait pas de mal, mais la démocratie directe, c'était bien dans la Grèce antique, notre représentation nationale en est la ligne directe, il a bien fait de regimber, de renâcler, de monter sur ses grands chevaux si j'ose cette métaphore équestre, équine ou hippique, c'est toi qui vois, c'est toi qui décides : par le passé, il y avait des boucheries chevalines, elles sont devenues hippophagiques par la suite, c'est toujours du cheval, par contre quand tu manges du bœuf, c'est le plus souvent de la vache, alors, ne me casse pas l'élan au milieu d'une phrase pour m'asticoter sur des détails !). Tout ça à propos d'écologie, je comprends que ce soit un sujet qui fâche : le petit jeune qui débarque dans la vie sur une planète qu'on a salie, et abîmée, qui se retrouve obéré d'une dette colossale, entre le remboursement de la crise Covid, le paiement de nos retraites (pourvu que ça dure), la canicule à répétition, et les perspectives d'emploi réduites, je comprends qu'il soit acrimonieux, que l'enthousiasme lui fasse défaut. L'algarade passée, retour au calme, fin de l'entretien, ça se continue sur SnapChat, c'est vraiment pour les jeunes, je n'ai même pas cherché à suivre l'entretien, j'ai déjà eu du mal à mettre ma dérogation de déplacement dans mon téléphone. La télévision sur un écran de 8 cm en marchant, ça me défrise un peu. On va les laisser entre eux. 
Les nouvelles sont mauvaises, d'où qu'elles viennent, chante Stéphan Eicher. Pas de quoi pavoiser en effet, la vague de contaminations ne reflue que trop discrètement, comme partout en Europe, pas suffisamment pour autoriser la levée des mesures qui nous pèsent, les fêtes de fin d'année seront un peu moins joyeuses, et encore, pas sûr, ce n'est pas parce que l'on est moins nombreux que l'on s'amuse forcément moins. Mais comme je suis un esprit chagrin (par moments seulement, il m'arrive de ricaner plutôt que de sourire), je m'interroge sur les différences et inégalités de traitement entre Noël et Nouvel an. Je comprends que la France, fille aînée de l'église comme on la désignait (c'était il y a longtemps), et surtout vieux pays de tradition pagano-chrétienne privilégie Noël plutôt que Nouvel an, mais les tenants d'une laïcité à tout prix (des laïcistes ?) pourraient y trouver à redire. En ces périodes de tension, de redéfinitions subtiles, de tentatives d'éradications des séparatismes, on pourrait comprendre que cette différenciation soit considérée par quelques uns comme maladroite, malvenue. Mais comme je l'écrivais encore récemment, foin des grincheux, des atrabilaires, des empêcheurs de tourner en rond, de chercheurs de cailloux dans les lentilles, en cette période de trêve (options au choix : a) hivernale, b) de Noël, c) des confiseurs), paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! Et puisse le virus ne pas résister à nos nombreux vaccins ! Et que nous puissions tous résister aussi à ces nombreux vaccins ! Ce sont mes souhaits pour 2021.

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