lundi 15 février 2021

La Chronique de Charles : Statistiques

Depuis que les hommes savent compter (et ça fait maintenant un bon moment), ils ont utilisé les statistiques. On en a la preuve sur tous les continents. C'était d'abord un outil rudimentaire pour évaluer les récoltes (et au passage calculer l'impôt, ça explique peut-être aussi pourquoi les statistiques ont souvent mauvaise presse), c'est devenu un partenaire habituel de l'information, information fondement du pouvoir. L'outil statistique aide à trier, à synthétiser voire à comprendre cette information devenue, au prétexte de transparence, trop abondante, envahissante même. Noyés sous des flots incessants de données parfois mal vérifiées, on se retrouve assaillis par des chiffres et des pourcentages claironnés d'autant plus fort qu'ils sont sensationnels (et d'aucuns font tout pour qu'ils le deviennent encore plus). 
Aux dernières nouvelles Covid par exemple (les informations contradictoires, erronées ou simplement imprécises et approximatives se succèdent en une théorie infernale tellement rapidement qu'elles nous donneraient le tournis, indépendamment de l'angoisse qu'elles provoquent et entretiennent savamment), aux dernières nouvelles donc, le variant anglais serait, aux dires d'éminents savants virologues infectiologues épidémiologistes (pour les autres spécialistes qui voudraient faire part de notions particulières sur ce sujet, ils sont priés de prendre rendez-vous, comme pour les vaccins, et ils risquent de ne pas être entendus, ou ajournés, également comme pour les vaccins), le variant anglais serait 30 % plus létal que son grand frère (j'écris grand frère, c'est un abus de langage, une façon de parler, il n'est pas plus grand, ni plus gros d'ailleurs, j'aurais plutôt dû écrire son frère aîné, mais frère ne convient pas trop non plus, ce serait plus exactement un ascendant : si tu as bien tout compris (ne te vexe pas, parfois j'en doute), le variant anglais est en réalité un descendant). Cette notion alarmante, catastrophique, dramatique (le fait qu'il soit plus létal) ne prête guère à sourire, mais si on l'analyse avec un peu de sang froid, on s'aperçoit qu'elle est un peu creuse, sans réelle signification, ce n'est qu'une interprétation sèche de faits bruts avérés qu'il faut tempérer, relativiser à la lumière d'autres constatations toutes aussi avérées : si je te résume, pour être clair, on a constaté (en Grande Bretagne) que le variant anglais entraînait une issue fatale plus fréquemment (30 % par rapport à son « homologue français » pris en référence), ça, c'est le fait brut. La nuance qu'il faut y apporter, et que n'ont pas cessé de souligner les spécialistes (les mêmes que supra, et d'autres), c'est que la prise en charge sanitaire n'a pas été forcément la même des deux côtés de la Manche (et ce sans vouloir porter le moindre jugement de valeur, nos systèmes de santé sont sensiblement différents). Ces mêmes spécialistes s'interrogent encore sur l'importance qu'il faut accorder à ces différences. Je ne cherche pas à rassurer, j'essaie seulement de démontrer qu'il n'y a pas là de raison de s'effrayer inutilement, la situation est suffisamment préoccupante comme cela, pas la peine d'en rajouter. 
Déjà, 30 % plus létal, c'est effrayant comme expression, mais si tu y réfléchis bien, comme je viens de te l'expliquer, c'est très relatif, on peut même en sourire (mets-y un peu du tien, la situation est grave mais pas désespérée !), si tu chopes, par malchance, ce que je ne te souhaite pas le moins du monde, le variant anglais et que tu en meur(e)s [là, j'hésite un peu, mais je pense qu'on a le droit d'y mettre du subjonctif, d'où le e que je te mets entre parenthèses car facultatif, tu as le droit de ne pas être d'accord et de réclamer, mais prévois de mettre une une enveloppe timbrée pour la réponse], ce que je ne te souhaite toujours pas, mais avoue que ça ne serait pas de pot, tu ne seras pas mort à 130 %, ça ne peut pas se faire, et si ça pouvait arriver, ça ne te ferait comme on dit ni chaud ni froid, ça n'aggraverait de toute façon pas ton cas. 
Mais si tu veux une information aussi exacte mais moins effrayante, tu te dis que le virus d'origine est 30 % moins létal que le variant anglais (aux approximations de référence et de calcul près), et là c'est plus supportable, et surtout c'est faisable : on dit de quelqu'un très mal en point qu'il est à moitié mort, je ne vois pas pourquoi mort à 70 % ne serait pas possible (et ça fait plus sérieux que mort à 130 %, et pour le même prix, tu n'es pas vraiment mort, ce qui ne peut que te réjouir).
Méfie-toi donc des statistiques percutantes et des chiffres annoncés sèchement, de même que des phrases concises et précises mais sorties de leur contexte, autant de raisons d'angoisses injustifiées. Un autre exemple est également démonstratif à cet égard : le dernier vaccin autorisé mis sur le marché l'a été dans les règles de l'art après des expérimentations (beaucoup de gens n'aiment pas le mot, mais c'est celui qui convient) convenablement et régulièrement menées. Les autorités sanitaires responsables ont simplement fait remarquer que la répartition des âges de la population inoculée faisait apparaître un petit déficit de seniors, et ne permettait donc pas de valider à coup sûr les résultats obtenus chez ces trop rares seniors : une conclusion scientifique sèche en découle : le vaccin n'est pas recommandé dans ces tranches d'âge. Énoncée sans nuance, c'est assez pour laisser croire que le vaccin serait inutile, inefficace, ou sans intérêt dans ces cas. En réalité, il suffirait peut-être d'une (petite) étude complémentaire pour « réhabiliter » (s'il en était besoin) le produit. En attendant un éventuel complément d'information, il a paru logique aux autorités de le distribuer chez des plus jeunes. La conclusion que la plupart des gens en tirent trop vite et faussement, c'est que ce vaccin ne serait pas adéquat pour les seniors. Dans ce cas, la statistique n'est pas trompeuse, c'est l'usage et l'interprétation qu'on en fait qui l'est. [NB : L'OMS vient dernièrement de confirmer que ce vaccin est tout à fait utilisable et efficace chez les seniors, les réserves précédemment formulées n'ont donc plus lieu d'être]. 
Méfie-toi aussi des raisonnements simplistes comme on en entend trop souvent : « Je vais attendre que mon voisin se fasse vacciner, si tout se passe bien pour lui, je le ferai à mon tour ». Le mec qui te dit ça n'a pas tout compris. Pour un vaccin donné, on a vacciné en gros au moins 20 000 personnes, on les a suivies un certain temps pour dénombrer les quelques effets rencontrés (et en tirer des statistiques justement), et lui, il voudrait, à partir d'une observation unique (sans valeur autre qu'anecdotique) se faire une opinion tranchée et péremptoire sur la question ! Ce n'est pas très raisonnable, ni même logique, mais il y en a que ça ne gêne pas, alors qu'ils feraient bien mieux de se pencher sur lesdites statistiques, et de décider en toute connaissance de cause. 
Pour changer de sujet (rassure-toi, on reste dans le Covid), nos autorités sanitaires compétentes judicieuses et avisées viennent de décider abruptement que les masques faits à la maison étaient désormais hors-la-loi. Je ne sais pas ce qui a entraîné ce revirement brutal d'attitude envers un produit qui hier encore avait toute les vertus, et qui aujourd'hui se retrouve brusquement au ban. Il y en avait pourtant de jolis, des bien faits (pas tous), et pour ce que j'en sais, pas franchement moins efficaces (quoiqu'en disent certains beaux esprits apparemment forts de leurs certitudes qui confondent hardiment et péremptoirement masque et filtre). Si tu ne me crois pas, profite de la température ambiante actuelle un peu fraîche pour aller te promener avec un masque chirurgical autorisé, ou même un FFP2 si ça peut te convaincre, tu verras bien sans trop de difficulté ce que fait la vapeur de condensation de ton air expiré, et si tu te dis que c'est cet aérosol ainsi matérialisé qui contient le virus, ça te rendra immédiatement beaucoup plus circonspect vis-à-vis de la protection presque illusoire que prétend t'apporter cet accessoire. Le masque est un peu utile, celui fait à la maison presque autant que les réputés plus sérieux, je ne comprends toujours pas le rejet brutal et définitif du « home made », surtout qu'à l'époque où les masques « sérieux » manquaient, le « fait maison » était grandement encouragé par ces mêmes autorités versatiles. 
Moi, en y réfléchissant bien, je pense que la grande crainte de nos gouvernants, c'était que pour les vaccins, ça fasse comme pour les masques : réfléchis un peu à la situation : on manquait de masques, on les a faits de bric et de broc, avec rien, avec tout, ça fusait de partout, la gaze, les filtres à café, la gaze à pansement, l'imagination était au pouvoir, on aurait pu faire des concours à qui aurait la meilleure idée la plus originale, c'était presque joyeux, mais bon, dans ce monde de rigueur, de pisse-vinaigre, c'était un peu l'anarchie, c'est vrai, on n'était pas là que pour rigoler. Pour les vaccins, on n'en manque pas officiellement (on en attend seulement), mais en vrai, on en manque cruellement (comme pour les masques naguère), alors imagine, si les gens se mettent à faire des vaccins « faits à la maison », sur un coin de cuisinière, tu vois la catastrophe, chacun sa petite recette, ça a bien marché pour les masques ! Non, on ne peut pas laisser faire ça, c'est bien qu'ils y mettent le holà, avant même que les plus intrépides n'osent le faire et nous les proposent sous le manteau. Note bien, si tu as un adepte de l'homéopathie sur le coup, pratiquant la technique des dilutions, avec une cuiller à café du produit de base et un peu de patience (et beaucoup d'eau), tu as vite trois milliards de doses, et hop, problème réglé.
N'empêche que, cahin-caha, tant bien que mal, la campagne avance, stimulée par des spots de publicité télévisée où des sommités du sport, du spectacle, du monde des « peoples » comme on dit en français moderne, disent se faire vacciner, agaçant même un peu ceux qui voudraient et piétinent devant les centres de vaccination sans munitions et donc sans plages de rendez-vous. Même le Ministre de la Santé s'est prêté de bonne grâce à la vaccination devant les journalistes (il y avait eu un précédent avec Roselyne), j'ai cru un moment que par la même occasion, il nous ferait un spot publicitaire, pourquoi pas pour une culotte anti-fuites urinaires, après tout, récemment encore une autre ministre vantait l'artiste capilliculteur qui lui faisait son lissage brésilien (c'était avant le nouveau variant, maintenant quand tu dis brésilien, les gens ont peur !). S'ils venaient à être démis du gouvernement, je ne me fais pas trop de souci pour eux, il y a toujours de la reconversion possible en homme(femme)-sandwich.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ajoutez votre commentaire, choisissez ANONYME dans le profil, mais mettez votre prénom et initiale du nom pour vous identifier à la fin de votre texte. Merci