On vit une époque intéressante, à plus d'un titre, et qui plus est sans
sortir de chez soi (ça tombe bien, avec le confinement ça n'est pas aussi
facile, il y faut le papier qui va bien, la bonne case, la signature, quand je suis
allé en Chine ce n'était pas beaucoup plus compliqué, il n'y avait que la prise
des empreintes digitales en plus) : Il y a quelques années déjà, c'était un après-midi de beau temps, j'ai
traversé la rue, devant chez moi, à Tourcoing, pour changer de trottoir. Rien
que de très ordinaire me diras-tu, rien de palpitant, pourquoi me saoules-tu
avec des banalités, bientôt tu vas me raconter la chute des feuilles mortes en
automne. Attends, j'y arrive ! Si j'ai traversé, c'est parce que le trottoir était
encombré : un type avait ouvert la portière de sa voiture rangée le long du
trottoir, comme c'était un coupé, ça prenait un peu plus de place (tu as bien
dû remarquer ça, les portes des voitures du type 2 + 2 sont un peu plus
grandes, normal, il faut bien que le passager arrière puisse y accéder, aux
places arrières, après avoir plié le siège avant, du coup l'ouverture est plus
grande, et la porte subséquemment), le gars en question devait être un peu
sans gêne et ne pas beaucoup de préoccuper d'autrui, rien d'extraordinaire, il
y en a beaucoup des comme ça (tu l'as forcément observé aussi, il y a des
gens qui, sur le trottoir trouvent toujours le moyen de tailler un bavette à
l'endroit le plus étroit du passage, je dis sur le trottoir, mais c'est aussi dans le
sas d'entrée de l'immeuble, ou devant l'ascenseur, juste à l'endroit où ça
gêne un max), il avait étalé un petit tapis juste au niveau de l'intervalle restant
entre la porte ouverte de sa voiture et le mur voisin, un peu en biais dans le
sens de la marche. Soucieux de ne pas marcher sur le tapis,