lundi 23 novembre 2020

Chronique de Charles : Plus que 12 au jus, et la quille !

Le Président va parler. La semaine prochaine. Mardi aux dernières nouvelles. Pas besoin de préparer son texte. Il n'a qu'à lire la presse et suivre un peu les chaînes d'information en continu pour apprendre ce qu'il va dire, avant même qu'il l'ait pensé. Ça, c'est de l'info avant-gardiste, nous renseigner non pas sur ce qui s'est passé, c'est trop classique, un peu ringard même si on veut être dans le coup, mais sur ce qui va se passer. C'est le summum du « up to date », l'apogée de carrière pour un journaliste, annoncer ce qui va se produire avant que ça ne se produise, avoir une longueur d'avance sur les concurrents ; être le premier sur un « scoop » c'est bien, précéder l'événement c'est encore mieux, c'est un must, bien sûr il ne faut pas trop se louper, il passerait vite pour un pas sérieux, encore que, dans notre époque un peu troublée, entre canulars et fausses rumeurs (maintenant, si tu veux être à la mode, (« in » si tu préfères), tu dis plutôt « infox » et « fake news », tu auras l'air branché, c'est bon pour l'image), il peut encore faire illusion un bon moment. Je ne vais pas citer de noms, il y a des spécialistes du genre, ils se reconnaîtront. 
Alors, il n'y a pas de raison, je vais me lâcher, juste pour le fun, je vais faire prophète (quelle belle promotion !) et vous annoncer les grandes nouvelles de demain, moins bien que le Président certes (il parle bien, soit dit en passant), moins précis peut-être mais suffisamment pour être crédible. Et si je me trompe, ce n'est pas trop grave, les supputations et autres hypothèses d'aujourd'hui seront peut-être les vérités vraies de demain. 
Aujourd'hui 18 novembre donc, à l'heure ou j'écris, je vous prédis pour dans 12 jours, le 30 donc (ou à peu près, le Conseil de défense n'a pas encore tranché), d'où le titre, une espèce de libération feutrée, mais pas la quille, non, pas la joyeuse fiesta des troufions libérables (c'était au vieux temps du service militaire), juste une espèce de soulagement discret qui ne te donnera même pas l'envie de boire un coup (c'est simple, on est tellement préoccupés qu'on a même pas entendu parler du Beaujolais nouveau cette année, c'est dire que l'ambiance n'y est pas, il n'y en a que pour le Black Friday). Le Président va démarrer son allocution, un peu plus solennelle que la dernière fois, moins décontractée, moins légère (l'heure reste grave). Il va démarrer bille en tête sur l'état de la situation sanitaire, aussi précis que le Pr Salomon, mais en mieux, histoire de bien faire remarquer que c'est lui le chef. La situation est grave va-t-il nous dire, pas pire qu'ailleurs en Europe (petit cocorico qui ne mange pas de pain), et grâce aux mesures contraignantes mais judicieuses qui ont été prises, les courbes penchent du bon côté, ce n'est plus le frémissement chétif évoqué par le Ministre de la santé, c'est de la vraie tendance pur fruit pur sucre affirmée par le chef de l'état, fragile sans doute, mais indiscutable. Ce n'est assurément pas encore le moment de relâcher la pression, on va surtout faire comme avant et attendre que ça se confirme, ce n'est pas parce que ça descend qu'on est arrivés en bas, il y a encore du chemin à faire (le Président aura peut-être un petit mot gentil pour dire que nos concitoyens ont été sérieux globalement, que c'est aussi un peu grâce à eux, et aussi aux soignants dont il soulignera l'abnégation). Il se débrouillera pour ne pas utiliser le mot déconfinement, il y a eu trop de relâchement la dernière fois, malgré toute la compétence avérée du responsable de l'époque et qui est maintenant Premier Ministre, on ne va quand même pas lui faire porter tous les chapeaux. On avait parlé hier de déconfinement lent, ç'a un peu loupé, on évite de le dire, même à voix basse, cette fois-ci, on a eu un confinement beaucoup plus léger (pas pour tout le monde, il y en a pour qui ça pèse), ça sera un déconfinement mou, très progressif (on va laisser aux joyeux communicants gouvernementaux le choix de termes lénifiants et autres euphémismes tels que petite baisse de pression des contraintes, élargissement des possibilités de sortie et des dérogations, discrète levée des interdictions les plus mal vécues, au choix, ce n'est pas l'imagination qui leur manque), une libération conditionnelle en quelque sorte avec bien entendu le respect absolu des gestes barrières et le renforcement adapté du protocole sanitaire (pour le gel hydro-alcoolique, il faudra en choisir un bon, un qui élimine le virus, pas comme ceux qu'on trouve parfois, épinglés par le service de répression des fraudes). Pour les masques, on pourra continuer à utiliser ceux fabriqués à la maison, c'est une mesure d'allègement significative et qui ne coûte pas trop cher. 
Mais il faudra continuer à être très sérieux, surtout les vieux, et encore plus les vieux avec comorbidités (il y a des vieux qui ne manquent pas de toupet, ils cumulent, à croire qu'ils le font exprès : vieux, gros, fragiles, un peu de diabète, un peu d'hypertension, ils exagèrent, ils ne sont pas raisonnables), pour les fêtes de famille, si on ne se regroupe pas c'est encore mieux, on aura peut-être le droit d'aller à droite et à gauche, mais pas trop loin, de toute façon, le couvre-feu t'en empêchera (j'oubliais cette annonce, il y aura un couvre-feu, et pour un bon moment encore, bien au delà des fêtes, des fêtes de Pâques peut-être même), et puis la famille éloignée, celle que tu ne vois qu'à Noël, à Pâques ou aux vacances d'été, ce serait mieux si tu pouvais éviter de les rencontrer, après tout tu ne les vois que deux fois par an, six mois de plus sans les voir, ne devraient pas être un manque trop important, c'est vrai que (évidence rare) c'est comme ça que circule le virus, et puis tu as toujours Skype et autres vidéo-conférences pour te consoler. Tu peux essayer de prendre le train ou l'avion, ce sera possible, ça te sera remboursé si c'est supprimé ou interdit, tu auras peut-être l'occasion sur la route, à l'aéroport, au péage ou entre deux gares, de bénéficier de tests antigéniques rapides, l'histoire ne dit pas ce qui se passe si on te trouve positif, c'est sûr qu'on va t'alerter et te protéger, c'est pour notre bien à tous, tu risques de trouver la protection fort contraignante si on t'isole sur place de façon coercitive (l'idée fait son chemin petit à petit, mais elle progresse), prévois quand même un pyjama, une brosse à dents et un peu de linge de rechange. 
Pour les sapins de Noël, c'est déjà acté, tu n'as pas de souci à te faire, il y en aura proposés à la vente en plein air sur les parkings de grandes surfaces (les petits détaillants vont encore faire la gueule, mais on ne peut pas proposer des sapins en dépôt-vente à tous les coins de rue, réfléchis un peu !), pour la messe de Noël, ça va le faire aussi, Alléluia, ce sera permis, à condition de laisser ton nom à l'entrée et/ou d'utiliser l'application qui va bien sur ton smartphone, tu sais, celle qu'on a du mal à vendre, même pour rien (enfin, pour rien, c'est une façon de parler). 
Pour les vacances à la neige, pas de souci, les télésièges et autres télécabines seront fonctionnels (ce n'est tout compte fait pas pire que le métro), pour les tire-fesses, avec les skis aux pieds, dans les files d'attente, tu auras automatiquement la distanciation, sauf évidemment si le mec devant toi fait du snow-board, faudra te méfier, par contre les restaurants, en altitude ou en station seront ouverts mais uniquement en terrasse, pas les bars ni les boîtes de nuit qui resteront fermés (ou alors, il ne faudra pas se faire prendre). Pour les repas, ce sera uniquement en vente à emporter. Comme les locations d'hébergement traînent un peu (là, le remboursement n'est pas garanti, ceci expliquant cela), tu peux espérer que la ruée dans les stations sera modeste, et les bouchons routiers aussi. 
Pour les vieux, j'y reviens, mais il y a en suspens comme une grosse envie de les confiner, pour leur bien, alors ils n'ont qu'à bien se tenir, à être prudents et responsables, à leur âge ce n'est pas demander l'impossible. Pour ceux qui voudraient obstinément faire du ski, c'est carrément niet, il ne faudrait quand même pas exagérer, on leur explique déjà que c'est un pseudo-déconfinement modeste, et ils risqueraient de se péter inopportunément un fémur et d'encombrer les hélicos et les urgences ! Il faudrait voir à laisser la priorité aux Covid sérieux. On veut bien les laisser aller boire du vin chaud dans les alpages, mais ce sera tout juste. 
Pour les commerces, on va renforcer les protocoles sanitaires, diminuer les jauges, ce sera minimum 10 m2 par personne, et encore, en laissant les fenêtres ouvertes. Pour le black friday, ce sera en décembre et pas avant, de toute façon c'est une mode qui nous vient d'outre-atlantique, pas question de se laisser américaniser. 
Mais je vous préviens, va dire le Président, avant de conclure, si j'entrevois, sur les chiffres de Santé Publique France, la moindre croissance, inopportune, qu'elle soit exponentielle ou pas, je reconfine tout le monde aussi sec, avec couvre-feu élargi et tout le tralala. Et ce n'est pas une menace en l'air, tenez-vous le pour dit ! 
Mes chers concitoyens, vous voilà prévenus. A bon entendeur, salut. Vive la République ! Vive la France ! 


Avertissement : cette prédiction est une pure fiction. Toute ressemblance avec des faits réels passés ou présents serait pure coïncidence. Et si ces projections dans l'avenir marchent bien, je me fais prophète pour de bon, mais attention, si ça marche, je vais prévoir de faire la quête... Prophète, ou, à bien y réfléchir, plutôt gourou, il y a davantage de fric à se faire, et en plus souvent, il y a du sexe, ce qui ne gâche rien (à condition que ça ne soit pas trop fatigant).

2 commentaires:

Ajoutez votre commentaire, choisissez ANONYME dans le profil, mais mettez votre prénom et initiale du nom pour vous identifier à la fin de votre texte. Merci