 La dernière fois, il n'y a pas si longtemps, c'était nouveau, on nous l'a
joué grandiose : le grand branle-bas, tout le monde aux postes de combat,
les nouvelles officielles du front tous les jours hospitalisations, réanimations,
décès, pas les courbes (on n'avait pas le temps de les faire, ou on ne savait
pas, ou on n'y avait pas pensé, ou on ne maîtrisait pas bien leurs couleurs),
c'était le grand jeu, la parade avec toute la troupe, les majorettes devant la
fanfare avec ses cuivres et la grosse caisse, les clowns jongleurs, puis les
fauves en cage, les chevaux empanachés comme pour tirer un corbillard,
enfin les éléphants en théorie qui se tiennent la queue avec la trompe (qui
tiennent la queue du précédent avec leur trompe pour être plus précis, si
vous avez déjà vu une parade de cirque à l'ancienne, vous aviez compris,
mais la précision ne nuit pas, un éléphant qui se tiendrait la queue avec la
trompe serait ridicule, et souple en même temps). On a tout eu, les trains qui
partaient dans toutes les directions (le comateux de Strasbourg qui se
réveillait à Bordeaux devait penser au réveil qu'il délirait en reconnaissant
l'accent du sud-ouest, sans compter que la famille qui voulait lui apporter des
bonbons ou des chocolats avait un bout de chemin à faire), les avions, les
hélicos, les bateaux (le porte-avions aussi a été impliqué, mais là ils ne l'ont
pas fait exprès, ce n'était pas franchement prévu), l'hôpital de campagne
tellement sophistiqué qu'il faut au moins huit jours pour le monter, même
avec des militaires disciplinés, tu as le temps d'être malade en attendant, fait
en parpaings ça n'aurait pas pris plus de temps. On n'avait que ça à regarder,
vu qu'on était coincés à la maison, pas le droit de sortir, tout juste le droit de
respirer en retenant son souffle. Tout un pays en stand-by, en train de se
fabriquer des ersatz de masques (il n'y a pas de faute, on ne met de « s » à
ersatz, ou alors seulement pour se faire remarquer), et à se demander quand
et si on va mourir.
La dernière fois, il n'y a pas si longtemps, c'était nouveau, on nous l'a
joué grandiose : le grand branle-bas, tout le monde aux postes de combat,
les nouvelles officielles du front tous les jours hospitalisations, réanimations,
décès, pas les courbes (on n'avait pas le temps de les faire, ou on ne savait
pas, ou on n'y avait pas pensé, ou on ne maîtrisait pas bien leurs couleurs),
c'était le grand jeu, la parade avec toute la troupe, les majorettes devant la
fanfare avec ses cuivres et la grosse caisse, les clowns jongleurs, puis les
fauves en cage, les chevaux empanachés comme pour tirer un corbillard,
enfin les éléphants en théorie qui se tiennent la queue avec la trompe (qui
tiennent la queue du précédent avec leur trompe pour être plus précis, si
vous avez déjà vu une parade de cirque à l'ancienne, vous aviez compris,
mais la précision ne nuit pas, un éléphant qui se tiendrait la queue avec la
trompe serait ridicule, et souple en même temps). On a tout eu, les trains qui
partaient dans toutes les directions (le comateux de Strasbourg qui se
réveillait à Bordeaux devait penser au réveil qu'il délirait en reconnaissant
l'accent du sud-ouest, sans compter que la famille qui voulait lui apporter des
bonbons ou des chocolats avait un bout de chemin à faire), les avions, les
hélicos, les bateaux (le porte-avions aussi a été impliqué, mais là ils ne l'ont
pas fait exprès, ce n'était pas franchement prévu), l'hôpital de campagne
tellement sophistiqué qu'il faut au moins huit jours pour le monter, même
avec des militaires disciplinés, tu as le temps d'être malade en attendant, fait
en parpaings ça n'aurait pas pris plus de temps. On n'avait que ça à regarder,
vu qu'on était coincés à la maison, pas le droit de sortir, tout juste le droit de
respirer en retenant son souffle. Tout un pays en stand-by, en train de se
fabriquer des ersatz de masques (il n'y a pas de faute, on ne met de « s » à
ersatz, ou alors seulement pour se faire remarquer), et à se demander quand
et si on va mourir. Cette fois-ci, on a (un peu) moins peur. Le virus circule toujours aussi
vite, mais nous, cette fois ci, on peut bouger (l'esquiver ?), on n'est pas
confinés. Je ne suis pas sûr que ça (le rebond, la deuxième vague, tu
l'appelles comme tu veux, ça ne change rien au phénomène) soit beaucoup
mieux géré que la première fois, mais bon, on a des masques, il ne peut donc
plus rien nous arriver. Et puis tu peux toujours te faire tester, avec un peu de
patience, ça va te prendre un petit moment quand je vois les files, ça
t'occupera. C'est gratuit, aux frais de la princesse comme on dit, pas besoin
même d'ordonnance, pourquoi devrait-on s'en priver, on a même la
bénédiction de l'OMS sur ce coup-là, je ne comprends pas toujours le bien-fondé de ses avis, mais j'ai toujours été un peu limité (mais, ayant beaucoup
d'indulgence envers moi-même, je m'habitue à mes insuffisances, ça m'aide
à vivre). On trouve dans les récits moyenâgeux des descriptions de jours de
fête et de liesse où le vin (ou la bière selon la culture) coule à flots et ad
libitum des fontaines publiques, les queues devant elles devaient être un peu
plus joyeuses que de nos jours devant les laboratoires de biologie. On a
moins peur, on n'aura qu'un communiqué officiel hebdomadaire, déjà la
preuve que c'est moins grave qu'à l'époque où c'était journalier.
Mais je ne suis pas inquiet, nos dirigeants ont su gérer les masques (ou
ils nous ont appris comment s'en passer), ils ont su gérer les lits à ce qu'il
paraît (à ce qu'ils disent, ils auraient pour ainsi dire multiplié les pains [ça
nous a à peine surpris, ça s'est déjà fait dans le passé]), pour les tests, plus
de problème, il y en a assez, les préleveurs sont suffisamment nombreux,
mais, gag, ce sont les machines qui ne tournent plus assez vite (je me suis
laissé dire qu'on manquerait un peu de réactifs, mais c'est certainement une
médisance). Je suis certain qu'ils sauront gérer les priorités (il y faudra peut-
être quelques gorilles chevronnés, voire des tontons macoutes) et trier les
demandeurs (bon courage ! Personnellement, je ne saurais pas le faire). 
On reste quand même dans l'incertitude, en fonction de nos
connaissances sur le virus qui s'affinent de jour en jour : hier encore, un seul
écolier déclaré positif pouvait arriver, selon le protocole, à faire fermer une
école complète, et se payer quinze jours de pseudo-vacances (cours
connectés vidéo-conférence télé-enseignement), désormais ses copains
autrefois reconnaissants et rigolards iront quand même en cours, et lui ne
bénéficiera plus que d'une semaine de ce régime. A dégoûter d'être positif !
Saloperie de virus ! 
On n'oblige pas les vieux à rester confinés (pour leur bien), ce n'est pas
l'envie qui leur manque, à nos dirigeants (ils le font au cas par cas pour ceux
qu'ils ont sous la main dans les Ehpad), mais ils y pensent fortement. On
explique longuement (les statistiques sont impitoyables) à des jeunes
insouciants (que ne le suis-je plus ! Il y a déjà un moment que ça ne m'est
pas arrivé d'être jeune et insouciant : insouciant, je peux encore, en
m'appliquant, l'être, quoique difficilement, question de souplesse de
caractère, mais jeune, je n'essaie même plus) qu'ils risquent de contaminer
leurs aînés, qu'ils doivent respecter les gestes barrières, c'est forcément
peine perdue, on ne peut pas réussir à réprimer l'exubérance juvénile au
sortir d'une telle période d'ascèse anxieuse, ce n'est pas à coups d'ukases
fermant les bars à 2 heures du matin et interdisant la musique et la
consommation d'alcool sur la voie publique qu'on réglera le problème, il y a
comme de la sédition dans l'air, on ne va quand même pas envoyer la troupe,
ce n'est plus de mise. Vitupérer sur les excès d'une jeunesse qui serait
responsable de tout, la pointer maladroitement du doigt ne résoudra rien : il
n'y a pas que des jeunes dans les hordes qui défilent les soirs de grand
match (gagné ou perdu, qu'importe), et dans les regroupements de noces et
anniversaires. 
Et puis les gestes barrières salvateurs qui devraient nous protéger
de tout, sont-ils correctement appliqués par les plus âgés, les plus
responsables ? Loin de moi l'idée d'être irrévérencieux, mais l'exemple
vient d'en haut. J'ai vu un chef d'État, et non des moindres, tousser
publiquement dans sa main au lieu d'utiliser son coude (j'aurais fait pareil
je l'avoue, vieux réflexe d'une éducation surannée probablement, d'une
époque où les microbes ne sautaient pas plus loin que le poignet,
maintenant le dernier en date est apparemment plus sportif, ou alors il est
dopé, va savoir), j'ai appris qu'un Ministre s'était avoué positif,
logiquement ça n'aurait pas dû lui arriver, à ce qu'il me semble, ce n'est
quand même pas un perdreau de l'année, ce n'est pas un jeune fêtard
irresponsable... Ou alors on ne m'a pas tout dit. 
Je ne suis pas inquiet, mais ça n'empêche pas la prudence : en ce
moment, pour assurer ma survie, je fais du transfert de technologie
amélioré : le gel hydro-alcoolique en friction sur les mains, je le complète
par un grande giclée par voie orale d'un liquide à haute teneur alcoolique
et aromatisé à convenance (plus efficace que les tests, mais
malheureusement fortement taxé et pas remboursé). Et j'attends surtout
sans impatience les prochaines vagues, ou résurgences (comme tu
voudras) qui ne manqueront pas de survenir, barrières ou pas barrières,
vaccin ou pas vaccin dans les prochaines années, comme c'est le cas
pour toutes les contaminations aérogènes.
 
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