vendredi 7 août 2020

Chronique de Charles (d'aujourd'hui) : Ils me brouillent l'écoute...

Rien n'est clair. En ces temps de déconfinement mal défini, les
messages d'information sur le sujet se font confus ; mêmes les sources les
plus sûres (les sources officielles, on pourrait penser qu'elles le sont) prêtent
à la perplexité, je ne sais plus, comme on dit, sur quel pied danser.

Jugez-en par vous même ! Il y a quelques jours, une petite journaliste
de BFMTV (sans jugement de valeur, j'aurais plutôt dû dire de petite taille,
c'est peut-être une grande journaliste, je ne suis pas compétent pour évaluer
ses prestations, n'empêche qu'elle est de taille modeste, mais mignonne
quand même) nous révélait en continu (c'est un peu le principe de cette
chaîne) que le virus n'était pas parti, et, dans la même phrase, sans
reprendre sa respiration (elle a de bons poumons la petite) que ledit virus
revenait... C'est là que je suis devenu méfiant : Comment ce virus fait-il pour
être aussi diabolique ? Comment peut-il revenir alors qu'il n'est pas parti ?
J'en arrive à comprendre (en partie seulement) le désarroi de nos hautes
autorités scientifiques, et les errements de ceux qui nous gouvernent, et
tiennent compte de leurs avis compétents mais parfois disparates. Ce virus
est vraiment machiavélique, capable de revenir sans être parti, susceptible
d'allers et retours quasi-instantanés, ça ne m'étonne pas que Trump pense à
une création chinoise (je n'ai rien contre les chinois au demeurant, je ne veux
surtout pas faire de procès d'intention, ni généraliser outre mesure, on dit
(abusivement ?) le chinois retors, mais ce n'est quand même pas par hasard
que les mots chinoiser et chinoiserie existent). Pour un peu, on lui prêterait le
don d'ubiquité, à ce virus, mais là, je n'ose m'aventurer plus loin, ou plutôt
plus haut (au plus haut des cieux). Si on se met à penser qu'il pourrait être
ubiquitaire ou plutôt ubiquiste, on jongle vite avec la théologie à des niveaux
ou je n'atteins pas...

J'en étais là, à ricaner de ce que je pensais être un lapsus de
présentatrice obligée de remplir à tout prix, de faire du bruit avec la bouche,
de ne pas laisser s'installer de silences, de « blancs » considérés comme
autant de fautes professionnelles, quand, à l'occasion d'une allocution du
Premier Ministre, je ne sais plus où, je ne sais plus quand (il voyage
beaucoup en ce moment [pas un reproche, simplement un constat]), j'entend le même message « le virus n'est pas parti, il est revenu ». J'avoue que ça ne m'a pas fait ricaner, là, on n'est plus dans le lapsus journalistique, on est dans
l'information gouvernementale, avérée, calibrée, pesée, la pointe d'accent
sympathique n'enlève rien à la gravité du propos. J'ai pris peur, je l'avoue, ce
virus qui est partout, qui circule à cause de moi (ben oui, on m'a expliqué,
mais peut-être que je n'ai pas tout compris, que le virus circule grâce à nous,
il ne se déplace que si nous nous déplaçons), personnellement, malgré tous
mes efforts dans ce but, jamais je ne suis arrivé à revenir avant d'être parti
(ça m'intéressait pourtant, rien que pour économiser le gazole et le péage).
Mais ce n'est là que l'explication d'une partie de mes angoisses.

Voilà que le président du comité scientifique (et ce n'est pas rien, c'est
quand même une sommité, il n'est pas arrivé à ce poste par hasard) se met à
reprendre le même discours, avec les mêmes termes. Cette cohérence, cette
homogénéité de l'information devrait, logiquement, rasséréner, mais ce serait
mal me connaître que penser que cette convergence des informations puisse
me rassurer. Ce n'est parce que tout le monde est d'accord que c'est
forcément la vérité « eppur si muove », Galilée l'a dit bien avant moi. Pour les
vérités fondamentales, ce n'est pas forcément la majorité qui a raison.

Dans le même ordre d'idées, les mêmes émetteurs d'infos, pas
forcément dans le même ordre, nous prédisent, selon les nuances de leur
vocabulaire, une deuxième vague (nuance, pas une seconde, une
deuxième !), une résurgence, une vaguelette, une prolongation de la
première vague, une reprise de l'épidémie, peut-être pas aussi importante
que la première fois (normal, beaucoup parmi les plus fragiles sont morts, le
virus ne les tuera pas une seconde fois, il faudra qu'il ratisse un peu plus
large), c'est prévu pour la mi-août, pour septembre au plus tard, au retour de
vacances, à la rentrée des classes, on ne sait pas encore préciser si c'est le
matin ou l'après-midi, tout cela étant évidemment la faute aux jeunes qui se
relâchent, irresponsables qui ne font rien qu'à faire la fête, qu'à vouloir en
profiter pendant qu'ils sont jeunes, aux touristes endogènes qui se
regroupent lors de barbecues clandestins, pour ne rien dire des apéritifs sous
le manteau, à la sauvette (ça ne peut pas être les étrangers venus d'ailleurs,
ils ne sont pas légion cette année), non non, ce sont les touristes bien de
chez nous (il y avait longtemps qu'on n'avait pas opposé Paris à la province).
Bref, on se fait gentiment expliquer que c'est notre faute, pour un bien, il
aurait fallu se déconfiner sans sortir de chez soi, et faire marcher le
commerce de proximité qui en a bien besoin, mais en passant par internet
(j'ai essayé, pour le boulanger, ça ne le fait pas bien, la poste, c'était un jour
sur deux, total mon pain était rassis).
En tout cas, la faute à qui, je ne sais pas bien, entre les touristes et les
jeunes (et il y en a qui ont le front de cumuler, être touriste et jeune !), on
nous avait prévu une chasse au cluster sans merci, le virus n'avait qu'à bien
se tenir, s'il bougeait seulement une patte, ou une aile, on le traquerait sans
pitié (sur l'anatomie du virus, je l'avoue, mes notions sont encore un peu
floues). On allait traquer la bête jusque dans ses derniers retranchements, le
moindre cas positif permettrait de « remonter » les cas-contacts qui seraient
immédiatement isolés, bref, comme pour les incendies, les foyers seraient
circonscrits sans aucune possibilité de dissémination, et on allait voir enfin le
bout de ce truc. Pour ça, on avait les tests, les écouvillons et les brigades
spéciales. J'étais un peu sceptique, à tout le moins circonspect, quand on a
vu ce que ça donnait la première fois, ils avaient été rapidement débordés,
mais il y avait des raisons, des explications, le virus était inconnu, on n'avait pas de tests, je me disais, ils ont été pris par surprise, ils vont être plus
précautionneux maintenant, ils vont prévoir large, on va voir ce qu'on va voir.
Et pourtant voilà le même scénario qui revient en boucle, des gens qui
courent après des chaînes de contamination pour les casser, et voilà que ces 
chaînes courent plus vite qu'eux. Je suis peut-être d'un naturel un peu pessimiste, mais je ne le sentais pas bien ce coup-là : contamination aérogène avérée, nombre élevé de cas asymptômatiques (porteurs sains), fiabilité approximative des tests, manque de préleveurs, lenteur des résultats (quand ce n'est pas l'importance des délais de réalisation), autant de facteurs qui concourent à ce semi-échec (et je dis semi pour rester dans l'euphémisme). Et ce ne sont pas les campagnes sauvages aléatoires de tests menées çà et là en dépit du bon sens qui vont améliorer la situation. J'ai l'air un peu amer, mais je ne me permets surtout pas de critiquer, ils gèrent au mieux une situation ingérable, même s'ils « battent des bras » surtout pour donner une impression de mouvement et d'efficacité.
Du coup, est-ce pour se donner bonne conscience ou pour se dédouaner, la pantalonnade des masques en plein air, l'obligation édictée à qui mieux mieux par des acteurs au plus près du terrain (encore l'opposition Paris vs province). Le maire, le préfet, le curé, le bedeau, tout le monde s'y met, les petites villes comme les grandes, sans grand souci de cohérence, ce qui compte c'est la surenchère. Ne me parlez pas de logique, d'approche pratique, ni même de critères scientifiques, mettez vite votre masque
(attention, en le pinçant avec deux doigts frictionnés préalablement avec du
gel hydro-acoolique), et ne le quittez plus que pour aller dormir (et si vous
réussissez à le garder pour la nuit, c'est encore mieux. Dites-vous bien que si
le virus circule, c'est votre faute. La contamination étant aérogène, je vous l'ai
dit précédemment, j'appréhende qu'ils préconisent en désespoir de cause (et
ce ne serait pas plus sot que les masques en plein air), comme ultime méthode de prévention, l'apnée. Je crains seulement de ne pas pouvoir me retenir longtemps de respirer.

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