Pour le téléphone, c'est pareil, on l'a connu avec des fils de cuivre, des
standards et des opératrices, il s'est automatisé pour arriver au réseaux actuels
avec des appareils aux propriétés multiples, qui ne nous étonnent même plus.
Bluetooth, Wifi, Google est mon ami, on fait une photo, on la transmet à la terre
entière, avec une facilité et une rapidité déconcertantes, c'est le progrès, on sait où
et à quelle heure elle a été prise, c'est tellement pratique. Par contre, on s'étonne,
on s'offusque que ce soit irréversible. L'image est inscrite on ne sait où, gravée à
jamais dans une mémoire sans faille, irrécupérable. On peut en faire une copie,
modifier cette copie, même les traces de ces modifications sont retranscrites et
conservées indéfiniment, mieux que par notre conscience.
Ce long préambule pontifiant ne doit pas vous effrayer, ce n'est pas le but, il
vous rappelle seulement que nous sommes, bon gré mal gré, entrés en sautant à
pieds joints dans l'ère du numérique à tout va. Votre compteur électrique
moucharde votre consommation en temps réel, d'aucuns s'en sont inquiétés un
moment, et puis l'oublient. Dans le passé, un releveur passait noter les chiffres,
ensuite on vous a fait confiance pour les afficher à la fenêtre, maintenant ce n'est
plus la peine, ça se fait sans intervention humaine, c'est le progrès, c'est tellement
pratique, mais on (Big Brother) sait à quelle heure et en quelle quantité vous
consommez l'énergie. Il y en a que ça inquiète, que ça dérange, moi pas, c'est
incontestablement une atteinte à la vie privée (j'ai la faiblesse de m'en foutre, de
penser que c'est une vétille, j'ai probablement tort pour le principe), c'est la rançon
du progrès diront certains, dont je ne suis pas sûr qu'ils aient raison.
Là ou je veux en venir (enfin direz-vous !), c'est à ce traçage des cas positifs
de Covid-19 avec le téléphone. Sensibilisé de longue date à l'épineux et difficile
problème du secret médical, intéressé dès le départ au dossier médical informatisé,
aux possibilités de diffusion, de transmission, aux restrictions de circulation de
l'information médicale, je suis devenu (un peu) paranoïaque sur le sujet. Et là, pas
de problème, pas de question, la technique peut le faire facilement, ce ne sont que
quelques lignes de programme après tout, s'il l'accepte (maigre rempart), le cas
positif va rayonner en bluetooth, et prévenir anonymement, en principe, les
téléphones alentour. Bien sûr qu'il va l'accepter, il est moralement obligé de le faire,
c'est pour notre bien à tous, comment pourrait-il refuser sans être un mauvais
citoyen, un mauvais camarade, un mauvais tout court. Heureusement, il y en a
quelques uns, et non des moindres (des députés, ce n'est pas rien) pour trouver
que c'est quand même un peu dangereux, dont on va calmer les angoisses en leur
expliquant que c'est pour une bonne cause, que c'est pour le bien commun, qu'on a
tort de s'inquiéter, que ce seront des fichiers transitoires vite effacés, le temps d'une
quatorzaine, voire d'une épidémie. N'empêche, ce qui est noté l'est
irrémédiablement, savoir que quelqu'un est positif, ou l'a été ne devrait regarder
que lui, là ce sera inscrit dans le cloud, à la portée de n'importe qui. Vous allez me
rétorquer que ce n'est pas bien grave, que l'information n'intéresse personne.
Qu'en savez-vous ? Quand une mutuelle de santé, ou une assurance viendront
vous expliquer que vous avez une surprime au motif que vous avez été positif,
donc que vous représentez un risque augmenté, ou que vous perdez un droit à
indemnisation parce que vous avez omis de le déclarer, vous ne viendrez pas vous
lamenter, vous ne pourrez que vous plaindre de cette violation du secret médical.
L'application est prête, je suis certain qu'il y en aura bientôt une autre,
gratuite aussi, mais peut-être pas officielle, qui va faire biper en temps réel les
téléphones des voisins quand il y aura un cas dans les environs (un peu comme les
radars sur nos routes et l'application Coyote). Et tout ça va évoluer comme pour la
détection de l'hyperthermie (la fièvre?) (qui est déjà une en soi une violation du
secret médical, si on est pointilleux) qu'incidemment j'ai vu mettre en place, en
Chine peut-être, mais chez nous en France, pour la reprise du travail à l'entrée de
nos usines, sans que les partenaires sociaux, souvent fort sourcilleux, y trouvent à
redire. Tout le monde trouve le procédé astucieux, et plus grave surtout, banal,
anodin. C'est pour le bien de tous...
Là, je m'insurge .Comment peut on envisager sans l'ombre d'une hésitation
de marquer des êtres humains ? On l'a déjà fait dans le passé, sans que ça
dérange grand'monde d'ailleurs. Le marquage au fer rouge est assez ancien, il ne
se pratique plus trop, le traçage avec un bout de tissu jaune est malheureusement
encore trop frais dans nos mémoires...
On n'a pas le droit de faire de distinction de sexe, de couleur de peau, de
nationalité, de religion, d'opinion, mais on aurait le droit de le faire pour la
température, ou en fonction du résultat d'un test plus ou moins fiable. Mais
comment s'y opposer, c'est pour la bonne cause me répondrez-vous, c'est pour
notre bien à tous (on dit que l'Enfer est pavé de bonnes intentions), c'est pour le
salut de tous, notre santé publique n'a pas de prix, mais elle n'a pas de pudeur non
plus. Et je me permets de penser, en évoquant l'expression surannée « toute honte
bue » que la honte est apparemment une boisson fort légère...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ajoutez votre commentaire, choisissez ANONYME dans le profil, mais mettez votre prénom et initiale du nom pour vous identifier à la fin de votre texte. Merci