mardi 11 août 2020

Chronique de Charles d'il y a qqs semaines : Tension dramatique

Hitchcock, mais en mieux. Ah, ils savent nous la jouer suspense. C'est mieux que la finale de la Coupe du Monde à zéro partout, c'est mieux que les résultats du bac quand il n'y a pas de fuite (cette année, il n'y aura pas de fuites, on a trouvé le remède, il n'y aura pas de bac, enfin si, il y aura un bac, un vrai, sérieux et tout, mais avec les notes des contrôles continus, donc pas besoin de questions préparées en avance dans le plus grand secret, donc pas de fuites). Sauf que le lycéen boutonneux qui bullait gentiment et qui avait prévu de mettre un coup de collier à Pâques a tout perdu, en plus de ses illusions.

C'est vrai, à dix-huit ans, quand tu vois une institution aussi solide et vénérable que l'Éducation Nationale te trahir à ce point-là, tu dois avoir l'impression que le ciel te tombe sur la tête. Et en plus, et ça nous ramène à notre sujet (le calendrier très attendu des opérations), le candidat bachelier, on va le faire rentrer juste pour le faire sortir, juste un aller et retour, comme le steak quand tu le veux bleu. Comme intromission dans le monde des adultes, on ne pourrait pas rêver mieux. Je ne vais pas trop le plaindre, à mon époque (ça y est, je parle comme un vieux), l'entrée en matière, c'était la guerre d'Algérie (pardon, les opérations de police, c'est plus tard qu'on a décidé que c'était une guerre, quand on l'a perdue, on ne peut pas perdre une opération de police, une guerre si, c'est plus honorable). N'empêche, ce lycéen, il va devoir se payer trois semaines à se promener masqué dans son bahut, sans véritable motivation, puisque ses carottes sont déjà cuites, je lui souhaite bien du plaisir. Mais c'est pour son bien, pour l'empêcher de décrocher. Je ne suis pas devin, mais je pense qu'il va y avoir de l'absentéisme au cours de ce trimestre de trois semaines. Et il y en aura pour s'en étonner et maugréer contre la jeunesse.

Pour en revenir à notre sujet du jour (suivez un peu ! la tension dramatique), tout va bien sauf qu'on ne sait toujours pas si on est libérable, et quand, et selon quelles modalités. Les cartes, c'est une belle invention, tu comprends tout tout de suite, même si tu es un débile léger comme moi, tu comprends tout. Le virus, ah la sale bête, il circulait hier encore à toute vitesse, tout le grand quart nord-est était rouge, aujourd'hui,c'est tout vert, il ne circule plus qu'en douce, subrepticement, hypocritement, au ralenti, pour moi, c'est sûr, il a eu peur des brigades d'anges gardiens, des escadrons de testeurs, il se méfie. A la lumière des informations que fournit cette carte de la vitesse de propagation, il en ressort une évidence, en simplifiant, sans chercher plus loin, en ne faisant pas plus que de constater cette brutale décélération (de rouge à vert en 24 heures, impressionnant), c'est que le virus, il a de bons freins, on n'a pas de tests sérieux, mais il suffit peut être de le dépister aux traces de gomme qu'il laisse en freinant pareillement (sauf que s'il a l'ABS, on est marron).

Ça, c'est pour la carte de propagation, pour la carte de tension dans les hôpitaux, ça peut basculer encore plus vite, ça l'a bien fait pour trois départements hier, en trois coups de gueule bien placés, on peut espérer au moins l'orange aujourd'hui, au moins comme lot de consolation. Sans cet espoir, même pas la peine d'essayer de se confiner proprement, on l'a fait avec zèle, et ça ne servirait à rien ? Pourvu qu'on soit orange aujourd'hui. Une suggestion, arrêter de taper sur des casseroles pour remercier les soignants, ça leur flatte l'ego, ça les stimule pour s'occuper des hospitalisés. Moins encouragés, ils les mettraient plus vite dehors, c'est ça qui serait bon pour notre couleur de déconfinement !

Pour la carte des brigades spéciales, pas de nouvelle, bonne nouvelle. J'ai appris qu'ils allaient être assermentés pour prendre ma température. Je peux les rassurer, quand on assermente quelqu'un, ce n'est absolument pas douloureux, ça peut aider à susciter des vocations, il paraîtrait qu'il en manque et que c'est pour ça que ça traîne. Mais là, on est au conditionnel, et je ne voudrais pas être à l'origine de fake news, il y en a déjà suffisamment...

Au cours de cette attente insupportable, enfin une bonne nouvelle, on a retrouvé le patient zéro. Un peu tard peut-être, mais on le tient, on sait qui c'est. Il aurait dû se tenir au courant, on l'a cherché longtemps, il aurait pu se dénoncer, il a une excuse, il ne savait même pas qu'il était malade, enfin si il savait qu'il était malade, mais il ne savait que c'était d'une maladie qui allait devenir à la mode. Il est guéri, mais les feux de la rampe, ce n'est pas pour lui. Il a loupé quelques passages à la télé. Il a eu tort d'être malade trop tôt, voilà ce que c'est de vouloir être en avance sur son temps, quand ce n'est pas l'heure, ce n'est pas l'heure ! Avant l'heure, ce n'est pas l'heure. Alors maintenant qu'on a le cas zéro, il va falloir chercher le patient moins un. Depuis le 27 décembre, tu penses que ça va être simple, les dernières infos, c'est que c'est sa femme, asymptomatique, qui lui a fait ce cadeau, elle travaillait au rayon poissonnerie d'une grande surface à proximité de l'atelier mitoyen des fabricants de sushis (la même disposition qu'à Carrefour Wasquehal, donc). Moi qui croyais que les sushis étaient japonais, là c'étaient des chinois, on ne peut plus faire confiance à personne. Et pour peu qu'on refasse des tests (pour ça, il y en a des tests !), on va retrouver des cas en novembre, si on gratte encore un peu, on va finir par découvrir que c'est nous qui l'avons filé aux chinois le Covid 19 (pas avec un pangolin, simplement avec un colin, ça a des écailles aussi, mais ce n'est pas un mammifère, et puis une grande surface de la couronne parisienne, c'est moins exotique et exaltant que le marché de Wuhan). Mais chut ! Ne disons rien, je préfère que Donald Trump continue de se friter avec les chinois, c'est bon pour l'Europe !

En attendant, on ne sait toujours pas où on en est pour le timing. Peut-être que oui, peut-être que non, on le saura bientôt, je me trémousse d'impatience. Qui va nous l'annoncer en premier, qu'on a été suffisamment sages pour retourner à l'école ou promener dans les cimetières, qui va nous sermonner et prolonger la punition ? Tu vas voir qu'ils vont se débiner devant l'obstacle, ce n'est pas eux, ce sont les cartes, eux ils n'en peuvent mais, ce sont les chiffres, les indices, les couleurs qui décident. Eux, ils ne font qu'arbitrer le destin. Ça ne va pas se battre pour nous donner un feu vert qui ne sera pas vert. Quelle débandade ! (débandade est un mot que je n'aime pas trop, je n'aime pas la guimauve peut-être par association d'idée, je le rayerais bien du vocabulaire ce mot, je préfère déconfiture, mais je n'aime pas non plus la confiture)

Et, comble du comble, je n'ai toujours pas reçu « mon » Temps de Vivre [1] ! Comment veux-tu que je vive dans le monde d'après ?

1 Revue semestrielle de l'Aric

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