Les dernières réflexions de l'Exécutif laissent bien augurer d'une liberté
partiellement retrouvée, on parle de début mai pour des déplacements moins
limités, et toujours de la mi-mai pour de la restauration en terrasse, le reste
suivra un peu plus tard (mais ma grand-mère, jamais en peine de proverbes,
d'adages et autres sentences frappées au coin du bon sens, peut-être un peu
méfiante aussi, disait aussi « au pays de promesses, on meurt de faim ». J'ai
hérité d'elle cette propension au bavardage, mais même enfant, et petit-fils
respectueux et affectionné, j'avais tendance à penser qu'elle parlait trop). La
dernière notion à la mode, c'est qu'il n'y aurait plus de territorialisation, de
mesures spécifiques, tout le monde z'égaux, la république française, une et
indivisible en quelque sorte. Le couvre-feu, c'était à géométrie variable, à
progression géographique raisonnée, mais pour des raisons aussi bonnes et
aussi valables que celles qui imposaient des restrictions différentes selon les
départements, à l'inverse le déconfinement lent se fera de façon uniforme sur
toute la métropole (pour les DOM-TOM, je ne sais pas si ça s'appliquera
aussi, les motifs de faire la même chose ou son inverse sont également
disparates et multiples, et pas encore clairement précisés).
Encore un jeudi avec séance officielle de marionnettes : ils sont venus à
quatre pour nous faire, l'un derrière l'autre, le « one man show » habituel,
sans gel hydro-alcoolique passé de mode semble-t'il et pour nous confirmer
officiellement des informations nouvelles déjà diffusées par toutes les
chaînes d'infos depuis l'avant veille, ce doit être un truc mis au point
certainement pour nous éviter l'effet de surprise. Même les questions-
réponses, ils les ont faites tout seuls, cette fois-ci, histoire de gagner du
temps. Rien de nouveau apparemment, sauf qu'on a passé un pic, on
redescendrait d'après eux (sans que les chiffres ne baissent, ils l'ont vu, ils
l'on discerné dans la stabilité apparente, c'était une stabilité qui ne montait
plus, c'était déjà un bon signe, ça prouve qu'ils sont plus malins que nous,
que moi en tout cas qui n'ai rien vu venir, et pourtant, ce n'est pas l'espérance
qui m'en manque), enfin, ce n'est pas une descente pour de vrai, c'est une
tendance qui demande instamment et impérativement à être confirmée, sous
toute réserve, mais qui suscite justement et comme par hasard énormément
d'espérance. Depuis une semaine, on nous promet un commencement de vie
nouvelle comme avant (ce qui est pour le moins paradoxal, si tu y réfléchis
bien, si elle est nouvelle, elle ne peut pas être comme avant, ou alors c'est
forcément du réchauffé), c'est désormais officiel que ce sera peut-être le cas,
ils nous ont rassurés en nous promettant toutefois que rien n'était moins sûr.
Par les temps incertains que nous vivons, c'est assurément une excellente
nouvelle, autant d'incertitude dans cette période de rumeurs folles,
d'informations bidons, de propagande éhontée et de fausse publicité ne peut
qu'être ressentie que positivement. Pour les écoles, le moindre cas positif
fermera toute la classe, on va tester comme des malades, les enfants, les
enseignants, le personnel de service, tout ce qui bouge, même le facteur qui
apporte le courrier à l'école, c'est bien simple, on n'arrêtera que quand on
aura épuisé notre stock de tests, ou alors quand rien qu'entendre le mot test
nous provoquera une nausée. Pour la territorialisation, il n'y en aura pas, sauf
qu'on n'exclut pas la possibilité d'y recourir selon les endroits. Toujours cette
incertitude bienvenue et rassurante. On peut donc espérer que nos libertés
ne seront bientôt plus contrariées, sauf là où ce sera nécessaire. En résumé,
tout ce qui est fermé sera bientôt rouvert (il y a des réouvertures pour ceux à
qui on permet de rouvrir, alors je ne sais plus, entre réouvrir et rouvrir, ce qui
est correct et ce qui est à proscrire, lis-le comme tu le sens, je te laisse juge),
sauf si ça doit rester fermé en raison des circonstances sanitaires. Et dire
qu'il y a des gens, de mauvaise foi certainement, ou alors d'une sensibilité
politique exagérément hostile à nos dirigeants pour penser à exiger un peu
plus de précision, et un peu plus d'engagement sur les calendriers. Mais
pourquoi ne pas tolérer de l'Exécutif ce qu'on permit à Malbrough qui
prévoyait de revenir de guerre à Pâques ou à la Trinité, et qui en définitive
n'en revint pas (dans la chanson, parce que dans la vraie vie, il n'est pas mort
à la guerre, il a seulement été blessé !).
Globalement, à partir du 3 mai prochain, et sauf contre ordre intervenu
d'ici-là, tu ne seras plus obligé de mentir éhontément ni d'inventer des motifs
impératifs fallacieux pour traverser la France (j'en connais qui l'ont fait avec
leurs enfants au prétexte de les confier aux grands-parents, c'est dire s'ils
étaient désespérés, parce que trimbaler de la marmaille en auto pour un
trajet un peu long, sans y être obligés, il faut vraiment être maso : « dis papa,
on est bientôt arrivés ? J'ai envie de faire pipi, retiens-toi, tu vas faire baisser
ma moyenne »), mais il va encore falloir attendre un peu pour le faire dans
des conditions supportables, c'est à dire en se désaltérant régulièrement
(mais seulement en terrasse, pourvu qu'il fasse beau, sinon on est bons pour
le vin chaud debout devant des food-trucks, et il n'y en a pas partout).
Comme tu le vois, mon espérance à moi, c'est de réussir à ne pas
désespérer.
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