On respire mieux. Cette liberté de déplacement retrouvée a soulevé
comme une chape, un couvercle. Remarque, la météo y est aussi un peu
pour quelque chose, tu as le droit d'aller et venir à nouveau, sans avoir besoin
de loucher sur le cercle des 10 km, sans trop t'occuper du vol des oiseaux.
J'ai un pote qui m'a dit « cet endroit, en passant par là, je peux, mais en
passant par là, je suis en infraction », il a fallu que je lui réexplique non pas le
vol des oiseaux (c'est beaucoup trop compliqué pour moi, le vol à aile
battante est d'une rare complexité, les ingénieurs aéronautiques n'ont pas
encore franchement résolu le problème) mais ce que signifiait l'expression
qui n'a somme toute rien à voir avec les oiseaux. Apparemment, ce n'est pas
une notion solidement acquise pour tout le monde, la preuve, il y a même une
application gouvernementale qui t'aidait à rester dans la légalité. Tout ça pour
dire que justement, on n'en a plus besoin (de voler comme les oiseaux pour
compter ses kilomètres, maintenant, c'est mieux, on peut faire comme le chat
botté, utiliser ses bottes de sept lieues). Tu vas où tu veux, mais attention,
pas n'importe quand, tu es quand même encore soumis au couvre-feu, ne va
pas l'oublier, ça te jouerait des tours, comme à moi la semaine dernière.
Mais quand même, cet air de liberté, ça n'a pas de prix, tu peux
traverser tout le département si ça te chante, et même plus (mais déjà, tu as
intérêt à le faire dans le sens Nord-Sud, ou Sud-Nord si tu préfères, en
suivant le méridien pour simplifier, plutôt qu'Est-Ouest ou Ouest-Est indifféremment, c'est simple affaire de bon sens, ça va te prendre un peu plus
de temps, car si tu n'y a pas prêté attention et donc si tu ne l'as pas
remarqué, on a un département beaucoup plus large que haut. Quand on a
créé les départements, à l'origine, et dans un souci d'égalité et de bonne
gestion, c'était avec l'idée d'un chef-lieu qu'on pourrait atteindre d'une journée
de cheval, en réalité, c'est plus compliqué que ça, même Napoléon y a mis
son grain de sel impérial, mais si on se résume bien les choses, pour le Nord,
ils ont dû trouver un cheval qui galopait plus vite de droite à gauche, que de
haut en bas, je ne vois pas d'autre explication, mais je suis prêt et ouvert à
toute hypothèse raisonnable à ce sujet. En montagne, ils ont le dahut avec
ses pattes plus courtes d'un côté, mais chez nous en plaine, la suggestion
n'est pas crédible).
Je dis que tu peux traverser tout le département, mais en réalité, il n'y a
pas de limite, tu peux traverser toute la France, à la condition de prévoir
soigneusement tes étapes (toujours à cause du couvre-feu, si tu ne fais pas
attention, tu risques d'avoir du mal à trouver un hôtel accueillant après l'heure
fatidique). Toute la France, c'est vite dit, pour la Corse qui est aussi la France,
mais en mieux (c'est ce que disent les corses, et quand ils ne le disent pas,
ils le pensent), tu as intérêt à prévoir aussi un test. Si tu es vacciné, je crois
que c'est bien aussi, mais je n'en suis pas sûr, mais je m'en fous, je ne veux
pas y aller (au moins pour l'instant). Pour ma part, ce qui m'intéresse c'est
plutôt l'étranger, non pas par soif de l'exotisme ni souci de culture
ethnologique différente, non le proche étranger (on peut dire proche étranger
comme on dit Proche-Orient) l'étranger sur lequel j'ai jeté mon dévolu c'est la
Belgique pas parce qu'elle est proche, plus proche tu peux difficilement faire
(il n'y a même pas besoin de traverser la Lys, il y a des bouts de Belgique de
notre côté de la rivière), mais surtout parce qu'elle est en avance sur nous,
nonobstant tout ce qu'on raconte comme histoires belges, la preuve les
bistrots en terrasse y sont depuis peu accessibles, avant même les nôtres.
Mais tout ça ne nous rapproche que modestement du sujet de la
semaine : l'incertitude quant à l'avenir, ça ne me taraude pas au point de
m'empêcher de dormir, mais il faut avouer que les jours qui viennent
fourmillent de points d'interrogation : la campagne de vaccinations n'est pas
achevée, loin s'en faut, que déjà on se demande quelle est la durée de
l'efficacité vaccinale. Déjà qu'on se pose beaucoup de questions sur qui
vacciner et avec quoi, on s'est fait un malin plaisir de mixer les produits entre
première dose et rappel, on en a profité pour modifier l'intervalle entre les
doses, plus personne ne sait aujourd'hui ce qu'il faut utiliser. On reparle déjà
d'une injection de rappel supplémentaire, et sans sourciller aucunement, de
recommencer la même opération l'année prochaine. Pour les jeunes, on ne
sait pas encore ce qu'on va faire, il serait temps de s'en préoccuper surtout
qu'on parle de restreindre les activités des non-vaccinés, ils commencent à
faire la gueule et à perdre patience (à juste titre ? ). En résumé, ceux qui se
vantent à ce jour d'être vaccinés (seulement protégés [peut-être] contre les
formes graves), ne le sont peut-être pas tant que ça, et peut-être pas pour
longtemps, et devraient éviter de faire les farauds en s'affranchissant des
gestes barrières. On ne parle plus non plus des variants, ça n'a plus l'air
d'intéresser grand monde, que sont-ils devenus maintenant qu'ils ne sont
plus à la mode ? La dernière nouveauté, maintenant, c'est le passe sanitaire,
c'est très tendance, tu peux l'avoir sur ton téléphone, mais avant que ça
fonctionne correctement, il y a encore beaucoup d'eau qui va couler sous les
ponts : le premier qui pourra me montrer, sur son smartphone, son pass
sanitaire avec le QR code attestant de ses vaccinations aura droit à toute ma
considération, à mon respect sincère : Vacciné, tu as obtenu un papier, en
réalité deux si tu as eu les deux doses, mais l'enregistrement officiel est loin
d'en être parfait, et avant que tu puisses faire la demande de ce QR code (on
ne sait pas encore à qui), qu'elle soit honorée après qu'on ait retrouvé trace
officielle de tes injections, il va encore se passer un moment. Un conseil,
garde bien tes certificats papier et fais en des copies, m'est avis que les
fichiers informatiques comporteront des trous, tu risques d'être un peu gêné à
l'avenir pour tes déplacements à l'étranger, les blocages aux frontières
risquent de te freiner les enthousiasmes, la même chose si tu prévois de
participer à des rassemblements de plus de mille personnes, mais bon,
personne ne peut t'empêcher de vouloir vivre dangereusement.
Incertitude encore sur la vague de contaminations : elle descend certes,
mais très doucement, ce qui déjà une bénédiction en soi, mais personne ne
peut sérieusement présager de ce qui se passera le mois prochain, entre
déplacements estivaux et retrouvailles festives, on ne fera que constater
l'évolution, on pourra juste évoquer des semblants d'explications, seuls les
moins prudents se risqueront à cet exercice périlleux, histoire de laisser à
penser qu'ils sont plus malins que les autres. Incertitude donc pour l'été à
venir, sera-ce la fin de cette épidémie, ou un répit en attendant la prochaine
vague ? Les ponts de mai saturent les autoroutes et les gares, Bison Fûté est
aphone (aurait-il attrapé la Covid-19 lui aussi, le virus a peut-être sauté du
pangolin à l'homme, pour passer au bison ?). Bison fûté est aphone, en tout
cas on ne l'entend plus, à moins qu'il ne fasse la gueule, il doit être jaloux,
avant, c'est lui qui mettait la France en couleurs, il proteste probablement
devant cette concurrence déloyale. Remarque bien, ce n'est pas exactement
le virus qui colorie la France, ce sont plus précisément les épidémiologistes
qui viennent nous embrouiller avec des répartitions de variants, des taux de
contaminations, des niveaux de saturation de réanimation, tu vois désormais
le territoire comme un superbe arc-en-ciel, avec à la fois du soleil et de la
pluie, ça c'est de l'information ! Note bien, on va entrer en période électorale,
on n'a pas fini de voir des diagrammes, des histogrammes, des camemberts
de toutes les couleurs, autant que tu t'y habitues tout de suite, la campagne
électorale est déjà lancée, mais ça démarre mollement, juste par un canter
d'entraînement, un petit échauffement avant d'entrer dans le vif du sujet, on
va parler moins souvent de virologie et un peu plus de sécurité, tout sera
dans la nuance sémantique et le bon ton (tu l'as déjà remarqué, on te l'a déjà
seriné, on t'a déjà expliqué la différence entre une véritable insécurité et le
sentiment d'insécurité : quand tu te prends un coup de gourdin asséné par un
malandrin au coin d'un bois, ça c'est de l'insécurité, ça fait mal, mais si tu as
seulement peur d'avoir mal, et que tu ne vas pas au coin des bois, ça c'est le
sentiment d'insécurité, ça fait moins mal, et ce serait moins grave aux dires
de quelques uns). Mais même s'il n'y a pas de raison d'avoir peur, j'ai quand
même peur d'avoir raison.
Pour l'instant, question couleur, on peut se permettre de voir la vie en
rose, et comme disait Letizia (pas la femme de Johnny, l'autre, la mère de
Napoléon) "Pourvu que ça dure !" En ces périodes riches en
rebondissements, que nous réserve l'avenir ? De quoi demain sera-t-il fait ?
Cruelle incertitude !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ajoutez votre commentaire, choisissez ANONYME dans le profil, mais mettez votre prénom et initiale du nom pour vous identifier à la fin de votre texte. Merci