vendredi 12 juin 2020

Mai 2020 : Déconfinement, vous avez dit déconfinement ? (La Chronique de Charles)

En soi, le mot n'est pas beau : déjà, confinement n'est pas joli joli, mais surtout derrière se cachent des images horribles, cauchemardesques, d'enfermement, de prisons, de geôles, de goulags. Ça évoque des toiles d'araignées, des ténèbres, les brumes humides, l'hiver sans feu, la solitude. 

Avez-vous remarqué que le confinement à deux, c'est tout de suite plus supportable, ça paraît plus léger ? Encore qu'il y aurait aussi à dire, il y a des couples qui se tapent sur les nerfs en temps ordinaire, qui en font pour ainsi dire un style de vie, le confinement léger, ça doit leur passer un peu au dessus de la tête... Par chance, ce n'est pas mon cas, je vis un couple harmonieux, sans turbulences ou presque (il ne faut pas exagérer non plus!), bref, je suis serein. En fait je serais plutôt comme un canari, en cage, confiné ! 

Bref, si confinement n'est pas un joli mot, que dire à l'inverse de déconfinement : pas joli, certes mais tellement riche de tout ce dont on pense être privé actuellement. Rien que de le prononcer, ce mot pas très joli fait penser à un chaud soleil radieux, à des promenades en plein air, à la nature qui explose, au printemps, aux fleurs des champs, aux pigeons qui roucoulent, à des bruits de ruisseaux dans les sous-bois. Le mot n'est pas beau, mais l'idée me plaît bien, rien que de l'évoquer, j'en ai des frémissements d'aise. Pique-nique, barbecue, piscine, sieste à l'ombre, pour les plus enthousiastes, je veux bien, s'ils en ont envie, leur rajouter un peu de chants de cigales. 

Loin de moi l'idée de couper les ailes à vos canards, mais le déconfinement, ça ne va pas être ça du tout, mais alors pas du tout. Déjà, on en parle, ça soulage peut-être, mais on n'y est pas encore, loin s'en faut. Je ne prophétise pas (je me méfie, dans la Grèce antique, on tuait le messager porteur de mauvaises nouvelles), mais je pense qu'une quinzaine supplémentaire de confinement ne nous fera pas de mal, épidémiologiquement parlant. D'autres, bien plus raisonnables et plus doctes que moi auront la même attitude, et ce sont eux qui décident.. On aura beau réclamer des masques comme ci, comme ça, autrement, alternatifs, on pleurera pour des tests comme ça comme ci, autrement, ce n'est pas parce qu'on finira par les obtenir que ça va modifier les paramètres de l'équation. On attendait la vague, on l'a, il va falloir la laisser redescendre. 

Et enfin, quand apparaîtra la possibilité d'un déconfinement, dans trois semaines ou plus, il va falloir en inventer les modalités. Ce truc, c'est quand même un sport nouveau, on ne connaît pas bien, il faut inventer le mode d'emploi. Il n'y a pas de tutoriel sur YouTube, on vous le répète, c'est de l'inédit, du jamais vu. Donc aucune raison de se précipiter (à part que c'est toute l'activité économique qui s'en ressent). Mais bon, on a changé de paradigme, pour employer un mot à la mode. J'ai passé une partie de ma vie dans les hôpitaux où je me suis entendu dire par des gestionnaires avisés (sans trop broncher) que la santé n'avait certes pas de prix, mais qu'elle avait un coût. Ces temps derniers, revanche mesquine, à ce qu'il paraît, elle n'aurait plus de coût non plus... 

Les Autorités se trouveront donc confrontées à devoir desserrer la vis, un peu à la fois, mais ce sera au prix d'une pratiquement inéluctable reprise épidémique. Pour l'éviter, tous les moyens seront bons sinon suffisants. On ne sortira qu'à la condition d'être masqué (comme à Nice et à Venise pour le Carnaval), avec probablement des restrictions d'horaire, avec peut-être une limitation genre jours pairs jours impairs comme pour les pics de pollution, avec peut-être des contrôles de température au coin des rues, à l'entrée des magasins ou des bureaux de poste et autres endroits admettant du public (la vraie température, c'est la température rectale, mais heureusement, on se contentera de capteurs optiques). Le déconfinement géographique, par zone, est sérieusement envisagé, avec les situations ubuesques que ça entraînera.Le tracking est également une piste, si ça fait bip dans ton téléphone, c'est que tu viens de croiser un contaminé, sophistiqué non ? La crécelle du lépreux, c'était plus simple, ça le faisait même à l'époque où il n'y avait pas de réseau, maintenant, le pestiféré va être tellement ostracisé qu'il n'osera même plus prendre son téléphone, du coup les individus sans téléphone deviendront suspects. On ne demandera plus tes papiers, on te demandera si tu as ton téléphone. 

La liesse de ce déconfinement en sera grandement édulcorée. Pas question de feux d'artifices, de festivités, de joyeuses agapes, les regoupements seront vus d'un mauvais œil, d'ailleurs ne serons-nous pas devenus méfiants ? J'espère ne pas être trop pessimiste, mais la soirée de gala, je ne la sens pas trop bien cette année, si toutefois elle est autorisée (en tout cas, il y aura une permission à demander, et à obtenir). 

Et je garde le meilleur pour la fin, pour nous les vieux (je parle pour vous, moi, je ne me sens pas vieux). Il n'est pas exclus que des mesures de confinement spéciales soient prolongées pour les fragiles dont nous faisons partie (je parle toujours pour vous, moi ça va). A partir de quel âge me direz-vous ? Eh bien, s'ils veulent un conseil, ils n'ont qu'à se calquer sur le seuil défini par les statuts de l'ARIC.

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