Chronique de Charles d'il y a qqs semaines : Un pas en avant, un pas en arrière

Apparemment l'idée du confinement prolongé pour les vieux (et les fragiles) n'a pas plu. Il y des vieux qui renâclent (ils ne sont pas tous amortis, les vieux). Du coup, freinage des quatre fers et élégante petite marche arrière. Ils ne l'ont jamais vraiment dit, soit disant, mais ça doit être moi qui ne comprends pas tout, pourtant j'avais bien entendu, et les replays le confirment. Ils ne l'ont pas dit, ils ne l'ont même pas pensé, nous disent-ils avec un petit air offusqué, comme si on devait être un peu honteux de leur avoir prêté de telles intentions. Magnanimes, on va leur laisser le bénéfice du doute, ce doit être nos vieilles oreilles fragiles qui n'entendent plus très bien. En attendant, nous voilà avec l'heureuse perspective d'être déconfinés à la même date que tout le monde, mais on nous a déjà expliqué qu'il allait falloir faire un peu plus attention que tout le monde, qu'on devait être responsables.

Déjà qu'on s'appliquait à faire attention, je ne sais plus comment faire pour prendre des précautions supplémentaires. A l'époque où le Sida inquiétait fort, des gens compétents et sérieux nous avaient informés d'avoir à éviter l'excès de précaution qui consistait à enfiler deux préservatifs l'un sur l'autre, que c'était superfétatoire. Par comparaison, mettre deux masques l'un sur l'autre n'augmenterait pas la protection, encore faudrait il que nous puissions en disposer. Que va t'on bien pouvoir faire pour multiplier les précautions déjà en usage sans sombrer dans le ridicule. Se laver les mains deux fois de suite est faisable, mais j'avoue, la deuxième fois, je le ferais sans conviction (mais quand même avec du savon). Plutôt que deux, mettre trois mètres d'écart avec mes contemporains, c'est également faisable (pour chuchoter des méchancetés ça va devenir difficile, mais on n'est pas obligé de médire à chaque fois qu'on parle). Ne sortir de chez soi que pour les besoins essentiels comme préconisé ne me paraît pas être un conseil judicieux ni très utile (pour les besoins essentiels, j'aurais plutôt tendance à ne pas les faire dehors et à préférer rester à la maison). Parmi les options envisageables, on peut aussi retenir l'idée de s'enfermer chez soi, à double tour, sans oublier la chaîne de sécurité. C'est une très bonne précaution, mais ce n'est plus du déconfinement.

Les gestes barrières oui, assurément il en faut, des barrières d'accord, mais quand même pas la grande muraille de Chine ni le Mur de l'Atlantique ! Il n'y a à l'évidence pas vraiment de solution, alors on s'en sort par une pirouette : Soyez responsables, sous-entendu s'il vous arrive quelque chose, ce sera votre faute, un peu léger, mais aussi un peu vrai ! On vous aura prévenus. Vieux et fragiles, on n'en demandait pas tant. Moi qui suis d'une nature mélancolique, si je ne me retenais pas, porté à l'introspection comme je le suis, il y aurait de quoi me faire sombrer dans la dépression, et pourquoi pas dans l'alcool ?

Au passage, je n'ai rien contre l'homéopathie en général, ni à titre personnel contre Christian Friedrich Samuel Hahnemann, je reste simplement un peu sceptique et crois beaucoup plus à l'allopathie : gin, vodka, rhum blanc, j'ai en effet observé (observation anecdotique, sans étude randomisée, sans population témoin, donc pas franchement scientifique) que les alcools blancs étaient un remède fort approprié pour chasser mes idées noires. J'ai donc l'intention de poursuivre mes expérimentations cliniques en élargissant, sans idées préconçues, la gamme des produits testés et la gamme des couleurs (rhum ambré, cognac, armagnac, par exemple). Je suis prêt à me sacrifier pour la bonne cause, à aller jusqu'à apercevoir des éléphants roses. Si vous voulez sponsoriser mon protocole de recherche intensive, j'accepte volontiers les dons (en liquide, mais je n'accepte que les bouteilles scellées d'origine, vous connaissant, je suis un peu méfiant sur ce que vous pourriez ajouter dans une bouteille entamée). En participant, vous feriez indubitablement oeuvre prophylactique : le virus est détruit par l'alcool !