Il faut avouer que ça démarrait fort cette année, le Costa Rica, c'est vrai que ce n'est pas la porte à côté, mais ça vaut le coup, ça dépayse, il y a de l'exotisme plus qu'on en peut souhaiter, c'est un peu mieux que le Jardin des Plantes à Paris, il y plein de boules noires loin là-haut dans les arbres, je les ai prises en photo avec mon téléphone, on ne distingue pas très bien, à chaque fois le guide m'a dit ce que c'était : une fois, c'était des paresseux, une autre des atèles, une autre fois encore des singes hurleurs. En tout cas ça fait des beaux souvenirs de boules noires sur les images de mon album, mieux que les colibris qui volent sur place pour se nourrir du nectar des fleurs, mais quand même trop vite pour qu'on leur tire le portrait, et que tu as juste la fleur sur la photo, et pas l'oiseau, de quoi j'ai l'air si je ne peux pas montrer le colibri. La grenouille, dans le noir, elle n'osait pas bouger (elle était verte de peur, ça ne se voyait pas, elle est orange dans la vie courante), c'était plus facile. Pour ce qui est de la nature, on est bien servi, il y a même des oiseaux qui viennent manger dans ton assiette, et quand je dis manger, c'est pour les oiseaux les plus polis.On a bu du cacao en branche (je veux dire cueilli sur l'arbre) et mangé du cœur de palmier qui ne venait pas d'une boîte, pour manger on a dû faire sa crêpe (heureusement, c'est Brigitte qui a fait la mienne), on a bu du sirop de canne tout frais, nature, et le même fermenté (en clair du rhum, c'est une boisson pour hommes comme dit Audiard). C'est un pays, quand il pleut, ce n'est pas pour rire, heureusement il n'a pas plu souvent, on a eu le temps de sécher. On a vu un volcan à moitié endormi (qui faisait des bulles dans la boue), on n'a pas eu le temps d'attendre qu'il se réveille, on a vu des toucans, ces oiseaux avec un bec plus gros qu'eux, on a failli voir des tortues, mais on n'avait pas pris rendez-vous, alors elles ne sont pas venues. On a vu beaucoup de choses, le théâtre et le bureau de poste, les funérailles d'un archevêque dans la cathédrale et une source d'eau bénite. J'ai vu une forêt presque vierge, j'ai même vu une tyrolienne costaricaine ! C'est un pays pas très grand, si tu roules trop vite, tu te retrouves vite dans le pays d'à côté, mais heureusement les routes sont mauvaises, tu ne roules pas vite. Ils sont très en avance pour l'écologie, avec un tri sélectif à six poubelles, tu te poses tellement de questions pour savoir où les mettre que tu ne jettes plus de déchets. Ils sont aussi très en avance sur la question militaire, ils n'ont pas d'armée. On en est revenus plus vite qu'on était partis, mais ça n'est pas qu'on en avait assez, c'est parce qu'on avait le vent dans le dos.
Ce devait être ensuite le pèlerinage à Lourdes. Je ne fais qu'y conduire Brigitte, je n'y participe pas avec ferveur, je me contente d'y jeter un coup d'œil d'ethnologue en passant, et encore, avec modération (sauf pour le Jurançon, ça va sans dire). C'était l'occasion au passage de traverser la France et de retrouver un frère fixé à Toulouse donc trop peu fréquenté en temps ordinaire. Survient ce maudit confinement, pratiquement sans sommations, qui nous prive de cette escapade et de cette opportunité de gagner des indulgences. Pas de pitié pour les croyants en cet avril (avril viral diront certains), Pâques en catimini est effacé également. Le printemps est là avec ses fleurs et ses petits oiseaux, gommé pour ainsi dire lui aussi par le confinement. Pas de sortie de plein air, pas de sortie du tout à vrai dire, sauf pour quelques courses, on peut aimer, mais ce n'est qu'une petite distraction pas très enthousiasmante. Pour la promenade d'un kilomètre, on a l'impression qu'on est tenus en laisse.
Pour se distraire, pas de problème, aux infos, il y a le feuilleton de la pandémie, quel suspense ! D'abord la chasse au patient zéro nous a tenus en haleine, c'est bête, on n'a pas réussi à l'attraper celui-là, il a réussi à passer au travers des mailles du filet. Puis la chasse aux clusters, encore une belle invention, c'est bête, ça n'a pas marché fort non plus, même si ça nous a occupés un moment. Au passage, on invente, ou plutôt on trouve un sens nouveau au mot quatorzaine, parce qu'une quarantaine de quatorze jours, ça ne fait pas sérieux, ça sonne faux. (mais on n'est pas à ça près, on préfère maintenant trentenaire à trentagénaire. On ne confond pourtant pas quinquagénaire et jubilé). On discute de masques, longuement, savamment, bref, on nous enfume gentiment, on le sait maintenant, on fait le compte des morts tous les soirs, on se fait expliquer méticuleusement la maladie par des tas de gens sérieux, et par d'autres qui croient l'être. Ça touche les gros, enfin les vrais gros (moi, je suis seulement enveloppé, va-t'en essayer de faire comprendre ça à Brigitte qui m'a mis au régime !), ça touche les vieux, mais là encore les vieux très vieux, je n'ai pas peur, je suis encore fringant, moins qu'avant il est vrai, ça touche les non-fumeurs, tu crois que j'ai eu tort d'arrêter de fumer il y a quarante ans ?
En ville, ces temps derniers, je veux dire avant la pandémie, tu avais du mal à trouver un médecin, maintenant tu en as plein les plateaux télé, il en sort de partout. Les services de réanimation sont sur les dents, travaillent à plein régime, on transfère des malades à l'autre bout de la France, ils sont débordés, saturés, travaillent H24, il y en a quelques uns qui ont quand même le temps d'un petit passage à la télé. Un conseil, si tu es malade, il ne faut pas appeler le 15, ça ne répondra pas, tu vas directement dans les couloirs de FR3 ou de BFMTV, il y en a un paquet qui attendent leur tour pour passer devant la caméra : Urgentiste, réanimateur, anesthésiste-réanimateur, infectiologue, virologue, bactériologiste (bizarre, on peut dire aussi virologiste, on ne dira jamais bactériologue), épidémiologiste, statisticien, tous au moins chef de service, je n'en ai pas vu un qui ne fût pas chef, il y en a même qui cumulent : anesthésiste-réanimateur, tu comprend le métier, il t'endort et il te réveille ensuite, c'est bien le moins qu'il puisse faire, c'est logique. Mais urgentiste-infectiologue, ça fait quoi ? Il s'occupe des infections urgentes ou des urgences infectées ? Par surcroît, il y en a même qui sont professeurs en même temps (mais en ce moment, il n'y a pas cours, ils ont un peu de loisir de ce côté-là). La vague est passée (quand la courbe redescend, c'est que tu as eu un pic, mais tu ne le sais qu'à ce moment-là a posteriori, évidence rare mais savamment expliquée par des mathématiciens experts en mathématiques), décroissance lente, les morts diminuent (façon de parler, ils sont toujours morts, mais il y en a moins par jour). Émergent actuellement les amateurs pleins de bonne volonté qui t'expliquent comment faire un masque avec du filtre à café, et des start-up qui en font à partir de rien sur des imprimantes 3D, s'ils ne se calment pas tous un peu, on va bientôt en revendre aux chinois. On va pouvoir prolonger le pont aérien dans l'autre sens...
En attendant, le confinement nous a sucré le séjour en Bretagne. Je m'en faisais une joie, je n'aurais pas résisté à la curiosité d'aller vérifier ce qui se raconte dans la chanson à propos de Camaret, de ses filles et de son curé, mais ce n'est que partie remise. Cette pandémie, non seulement m'inquiète, mais aussi m'agace prodigieusement. Ce même confinement nous prive aussi du voyage en Pologne, reporté lui aussi, à l'année prochaine, si tout va bien, pourvu que ce ne soit pas aux calendes grecques. S'il est vrai que les voyages forment la jeunesse, j'aimerais mieux qu'ils conservent un peu la mienne, je n'ai plus trop de temps à perdre. Pour l'instant, ils cherchent des tests, ou des écouvillons pour les faire. Ça tombe rudement bien qu'on n'ait pas de tests, parce qu'on n'a pas encore beaucoup d'hébergements où confiner les cas positifs qu'on va trouver. Mais je ne suis pas trop inquiet, on va bientôt en trouver (si c'est au même endroit où on a trouvé les masques, ça ne va pas le faire tout de suite).
Paris au mois d'août, ce n'était pas prévu, on a été déçus et un peu tristes quand on l'a appris, avec ce qui se passe, il faut positiver, si on réfléchit bien, ça nous a économisé la déception d'une annulation. L'été sera chaud, chante Charden, encore des promesses, la dernière que j'aie entendue, c'est que l'été sera reporté à l'automne pour arranger tout le monde. Je n'ai pas encore vraiment assimilé le concept, déjà la rentrée scolaire en pointillé me perturbe un peu. On vient de découvrir que les toilettes des écoles ne sont généralement pas propres, c'est quand même une vraie surprise. Pour la croisière sur le Guadalquivir, c'est râpé aussi, m'étonnerait que les espagnols nous laissent entrer, un paquet de fragiles comme nous, et nous autorisent à nous regrouper sur un bateau, si toutefois la France nous laisse sortir, et puis, on n'est pas à l'abri d'une reprise du confinement. Déjà pour les avions, on a du souci à se faire. Cette pandémie m'énerve énormément.
L'avenir, on l'a devant soi, mais on l'a dans le dos quand on se retourne disait Pierre Dac. Pour ma part, je le vois non pas triste, mais quand même un peu sombre. Avec tout ça, ou plutôt sans tout ça, on va finir par s'ennuyer un peu. J'ai beau pratiquer la méditation transcendantale intensive et relativiser au maximum, il va y avoir un moment où on va se rendre compte que ce fléau à réussi à nous désocialiser. On va mettre un moment avant de se retrouver en terrasse à boire un pot avec des potes, et encore, avec la perspective d'être à trois mètres les uns des autres, on ne verra que leurs yeux, et pas leurs sourires (à cause des masques). Et puis, rien que l'idée de boire une bière avec une paille (toujours avec le masque), ça me fait froid dans le dos.
Cela m'irrite fortement, vous allez voir que ce virus, et c'est un comble, ce virus, je le sens, je vais finir par le prendre en grippe !
(rappel : Charles est Aricien à Tourcoing.)
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